Cahier décharge
- Tout comme les filles perdues confiaient leurs bébés aux guichets des hospices…
Je vous remets en tremblant ma boîte noire, ce Cahier décharge rempli jusqu’à la gueule.
Je délivre ces pages hirsutes et illisibles.
- Pourquoi en tremblant ?
- Ces pages, comme feuillets de glace, me brûlent les doigts. Je tremble de froid.
- Mais dis-moi… que contiennent ces pages ?
- Je l'ignore.
- Si tu ne le sais pas, qui le saurait ?
- Le cahier seul le sait. Moi non.
À mon père, Francis Vallier,
Qui m’a appris à lire…
En m’apprenant à lire,
Il m’a appris à écouter…
Et en m’apprenant à écouter,
Il m’a tout appris.
Hélas…
Il s'est éteint, la mort est implacable
Seule veille la silhouette noire du phare aveugle.
Mais lorsque devant moi,
J'entrouvre mon cahier,
Il me semble sentir encore sa grande main
Serrant mes petits doigts sur le crayon
Et guidant ma propre main inerte
pour tracer ainsi ces lignes…