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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 18 novembre 2017 Jour peinturluré

Denis Vallier
Page du 18 novembre 2017 Jour peinturluré

     En face de l’écrivant, la lecture de ce qui est écrit renvoie à une existence et, feu follet, demeure un instant : le temps d’accepter le texte de l’autre, ce qui nous autorise, au terme d’un corps à corps humble et tenace, à nous aimer l’un l’autre. Les donneurs sont exception pour les greffes de cœur, je sais un tel lecteur rare et donc précieux et ne me fais guère d’illusions d’en rencontrer dans mon désert, mais je ne désespère pas d’une visite d’extra-terrestres assoiffés d’ammoniac. Ils seront plus nombreux. Je les attends de pied de nez ferme et réactif… mais avant qu’on me greffe quoi que ce soit, je serais enclin à faire faire une enquête de voisinage devant l’étrangeté du cas. Entre temps, je ferais mieux de me mettre à la peinture.

Si j’étais peintre…

Il y aurait, c’est facile, dans mon tableau à moi
Un soleil, un vieil arbre, une mare et toi
Avec ta lumière, ton ombre en nuance
J'y serais aussi. Nous aurions le silence

Sous l’arbre, assis, les pieds dans l'eau
Nous trancherions une pomme au couteau
Plaisir du partage, pour chaque bouchée
Heureux d'être là, proches, retrouvés.
Nous marcherions dans l'herbe pour nous dégourdir
Sentant sous chaque pas le tapis végétal
Soudain, en même temps nous aurions à nous dire
L’urgence à repeindre ce dessin capital.

Pour cela il faudrait au tableau liminaire
Dans l'arbre : des oiseaux qui s'égosilleraient
Derrière, une ruche qui s'énerverait
Et, prenant à la toile la moitié de son aire
Un carré laissé vierge qui serait carte blanche …
À toi de l’animer, d’inventer une histoire
Le décor, les costumes afin de recevoir
Nos autres amis morts restés entre leurs planches…

Mon tableau personnel n'est pas toile à musée
Imaginez qu'ainsi l'amitié ravive
Le feu sur les planches : la mort toute médusée !
Mais si patiente la mort... Haro sur le qui-vive…

Ton histoire se termine et la scène se vide
Les acteurs font grise mine, les visages livides
Puis, blancs dans le carré. Leurs yeux, enfin, emportent
La vie de ce tableau devenu nature-morte.

     Adieu veaux, vaches, pinceaux, toiles, chevalets ! Après une aussi pitoyable tentative, force m’est de constater que je ne saurai jamais peindre. Ni jouer d’un instrument. Ni chanter…. Par contre, je pourrai toujours retrouver avec plaisir mon rituel matinal : me lever aux aurores pour pondre un écrit tout neuf sur Word en ouvrant tout grand la fenêtre du Windows de Bill Gates. Dire que ce brave milliardaire prétend prétentieusement nous éclairer avec son écran blanc. Alors que tout ce qui est vu au travers d’une vraie fenêtre, même vieille et de guingois, fait un beau tableau. Malgré tout, j’aime ouvrir cette fausse fenêtre sur le monde (avant même cela, Word, le mot, le langage, c’est déjà le dehors…), toucher son vide blanc du regard quand la cécité se fait jour, y rajouter de la vie comme dans mon tableau imaginaire qui finit si mal... Du regard finalement, c’est mon regard que j’interroge quand je pose les doigts sur le clavier. Je plisse les yeux et de cette fente étroite surgit un insondable panorama qui occupe tout l’espace. Les mots qui cherchent à le décrire s’épuisent en vain. La cervelle grésille au bout des doigts, qui écrivent avec cette encre brûleuse et réfractaire.

Page du 18 novembre 2017 Jour peinturluré

      Je le fais à un moment de ma vie qui n’a rien de particulier sinon que, simplement, les raisins sont mûrs et que j’ai toujours autant soif d'écritures. J’ai le temps de me promener librement dans toute cette vie, de parler des choses qui ne sont importantes que sur le moment, de les laisser tomber dès que l’intérêt commence à baisser et de diriger mon babillage sautillant vers la nouvelle chose bien plus intéressante qui s’est introduite entre-temps dans mon esprit. C’est un gros avantage de ne parler qu’à ses tiroirs.

     Encore une page, une nouvelle page, une autre nouvelle page. Je reprends le boulot. Je tape des mots comme on plie le fer. Voilà! Voilà! Ça y-est, je suis de retour. Là où je suis bien. Autour de moi, les murs de la maison. Au-dessus, le toit de la maison. Et je me fous pas mal de ce qui se passe à l'extérieur de la maison, de l'autre côté des murs et du toit, des élections, de la folie du monde. La vie des autres, je m’en soucie encore, mais l’avis…

     Peut-être me suis-je levé un peu trop tôt…mes yeux se referment par moment, la tête se fait lourde et pioche vers le clavier. Je me verrais bien retourner à mon lit, m'imaginant percevoir les ondes des esprits qui gravitent autour de la terre comme Thomas Pesquet, notre fringant astronaute. Je ne veux plus écrire tout en le désirant au plus profond de mon être. Je suis fatigué, figé, tanné (exaspéré) de la vie des autres. Bin oui, j’en suis tanné que voulez-vous... Je veux quoi? Marcher dehors? Pourquoi pas? En fait, pas vraiment. Je m’énerve, je me mets en boule, les mains sur les oreilles comme un autiste à bout de nerf, saturé d’informations étrangères inaudibles, ingérables, insupportables… Trop de bruits, trop de cris, trop de vacarme, trop c’est trop !

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