Page du 30 novembre 2017 jour d'épines et de myrtilles
Comme le regrettait ce coquin de Lamartine, « je tourne vainement ma peine vers les livres »…Hé Hé ! La vie ne saurait être un roman que l’on nous donne mais une histoire que nous écrivons. Ce que je suis, je ne l'ai pas. Ce que j'ai, je ne le suis pas. Écrire c’est sans cesse naître et voir, voir et savoir, savoir et pouvoir. Quand on est petit on grandit et quand on est grand, on grossit. Nous enflons de concert. L’avoir asservit l’être ; le savoir, non. Personne n'est responsable de qui il est, d'où il est né, comment il a été élevé, mais chacun peut néanmoins changer et se choisir un avenir, un but, selon ses moyens. Pour Nietzsche, il faut savoir accepter qui on est pour ensuite pouvoir se transcender. Même si « on » ne nous donne rien de fixe, d’assis, de statique, aucun levier, aucun point d’appui extérieur, malgré tout, chacun d’entre nous peut soulever son monde. Mais de grâce, que surtout on nous épargne l’infini et l’éternel.
Pour ma part, je ne veux rien de l’infinité, rien de l’éternité. L’infini et l’éternité ont un défaut rédhibitoire : ils ne peuvent pas finir. À mort l’infini et l’éternité ! Même si quelqu’un d’intelligent prenait le temps de me les expliquer, il me faudrait l’éternité pour le comprendre. C’est le dur contact, être et connaitre, voir et pouvoir qu’il me faut. La vie, c’est faire plus que soi-même par soi-même. J’ai beau chercher, mais, des algues bleues à l’homme, je ne trouve pas meilleure définition.
Vertes tiges
Dans le transit hémophile
Vertiges
Le suc de camomille
Vestiges
L'acre d'une myrtille
L'épine fige
Le Rouge chlorophylle
Oui, la vraie vie est bien celle-là, celle de la métamorphose, la vie féroce et animale de la chair palpitante, la vie folle du fantasme, celle profonde et nocturne des couches inconscientes du psychisme. Ce que nous voyons de la « réalité » n’est pas la réalité mais une représentation, un modèle du monde extérieur que notre cerveau élabore sans cesse. Atlantide lointaine de mon enfance enfouie, tu resurgis. Tout ce qui prête au rêve ramène aux sources. C’est parcourir à nouveau les chemins creux de son enfance, sombres, avec des puits de lumière, des ronciers aigus défendant leurs fruits contre les assauts, toutes griffes dehors. Nous nous heurtons à nouveau au transit chlorophylle de cette muraille végétale de vertes tiges, aux vertiges des odeurs épicées, aux vestiges de ruines éboulées pour l'offrande acre d'une seule myrtille. L'épine fige le rouge hémophile.
Nos mains zébrées d'égratignures ramenaient les mûres dégoulinantes de jus noir doux comme le miel. Parfois, les branches nous agrippaient de colère impuissante. À la vue de nos lèvres bleuies, le fou-rire nous gagnait et plus le tunnel vert nous enserrait, plus l'amour de cette senteur si particulière d'herbe fraîche et d'humus, de la vie, de la mort, nous prenait aux entrailles. En communion parfaite, nous nous soûlions de nature. Adossés au tronc d'un arbre-cathédrale, nous cherchions des yeux les insectes fureteurs et grouillants. Les minuscules araignées tissaient leurs œuvres d'art plus parfaites que n'importe quelle chef d’œuvre humain. Il fallait prendre garde à ne point les abîmer. Parfois, le museau frémissant d'une petite bestiole suivi aussitôt par le bruit de sa fuite, troublait le sanctuaire sacré. La lumière avare et l'humidité, pourrissaient les feuilles les plus faibles qui mouraient lentement. Nous leur jetions un regard indifférent, ne croyant qu'à la vie, nous étions si jeunes!...