Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 16 décembre 2017 jour d'incertitude

Denis Vallier
Page du 16 décembre 2017 jour d'incertitude

      L’herbe nous paraît toujours plus verte dans le pré du voisin, la queue d’à côté toujours plus rapide que la nôtre aux caisses des supermarchés. Ailleurs, c’est toujours mieux, ailleurs, c’est là où je ne suis pas, où je ne serai jamais… Il est pourtant bénéfique d’obéir à l’injonction et d’aller voir ailleurs si on y est. Cela vous donne un autre angle de vue. Mais comment être là où on n’est pas ? Tous ces trains, ces avions qu’on ne prend pas, où vont-ils donc ? Existent-ils vraiment ? On déteste les voyages jusqu’au jour où l’on s’en va pour de bon et ce jour-là, on adore ça. Il est plus facile d’espérer toujours plus que de se contenter de ce que l’on a. Et ici, en ce moment, je fais de même, j’en veux toujours plus mais, par contre, c’est un grand tort.

      Pour avancer, il me faudra sortir de l’idée que mon désir a soif d’un au-delà permanent et que je parviendrai à le domestiquer. Je me le représente toujours comme une bête délirante, insatiable, assoiffée et affamée à qui il faut mettre une muselière alors que si le désir aspire vers ce qui est là, bien réel, vers le simple que je maîtrise, il me rendra disponible aux possibilités effectives. La satisfaction momentanée rapproche nombre d’entre nous d’une joie de l’instant mais elle renvoie toujours et encore au remplissage du vide d’un tonneau des Danaïdes en oubliant un peu trop vite combien le vide fait du bien. C’est ce que je me dis dans mes toilettes tous les matins ainsi qu’en tapant sur ce clavier.

Page du 16 décembre 2017 jour d'incertitude

      Comme le Caligula de Camus, nous avons nous aussi besoin de la Lune, de l’immortalité et du bonheur dans notre liste de courses. Proust de son côté de chez Swan, répète à qui veut le lire que le bonheur est dans l’escalier. On doit se faire des idées en montant mais elles ne nous parviennent à l’esprit qu’en redescendant. Et c’est trop tard… Maudit esprit d’escalier !

      Si le désir qui me pousse à monter cet escalier est une tension me menant à la joie dans une réalité qui m’éclaire par sa présence, il me protègera de l’obscurité et du désastre d’un bonheur tellement décalé de mes possibilités qu’il me plongerait dans l’abime d’Icare ou pire, d’un bonheur que je saurai si fugace étincelle que j’en ferai déjà mon deuil à l’instant même d’en jouir. C’est le propre de toute joie factice que de porter son propre deuil.

      Avant même de me lancer à corps perdu dans ce délire permanent de l’écriture, je dois donc précautionneusement m’équiper d’une double sagesse : une sagesse rationnelle qui me démontrerait la contradiction entre l’impossible et le réel et une sagesse raisonnable qui fuirait ce sentiment d’abandon, d’inutilité constante et absurde menant au désespoir que l’insatisfaction permanente impose tyranniquement. Même sans une satisfaction pleine et entière, le désir n’est plein que de moi-même et ne m’est utile que quand il produit de la joie. Sans cette joie, il est une balle que je me tire dans le pied… Pan !... Mais c’est que ça fait mal, cré nom de nom ! J’ai encore besoin de quelques réglages fins et ce n’est pas gagné d’avance !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires