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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 17 juillet 2018 jour du chaînon manquant

Denis Vallier

      Ah… Que… Comment suis-je arrivé ici ? D’où venons-nous ?... Un peu comme lorsque l’on reprend conscience progressivement un lendemain d’anesthésie générale après une victoire en Coupe du Monde trop arrosée, nos origines nous préoccupent : pas moyen de saisir l’instant où l’interrupteur se met sur « On ». En réalité, ça ne date pas d’hier : depuis que l’homme est homme, il se pose la question de ses origines car il ne se souvient pas comment il est devenu homme et cette amnésie collective le travaille… Nécessairement, en remontant très loin, nous avons eu des ancêtres communs avec les grands singes, puis nos lignées se sont séparées, mais entre ce moment-là et l’apparition de notre grand-père Homo erectus arpentant les plaines d’Asie, il n’y a qu’un gros point d’interrogation. On a pensé un moment que le chaînon manquant était Australopithecus sediba, un grimpeur et marcheur de 1,97 millions d’années découvert en 2008 près de Johannesburg, berceau de l’humanité, jusqu’à ce qu’on découvre en 2015 à 15 km de là sur le site fabuleux de Rising Star, Homo naledi, le dernier candidat en lice. Il avait toutes les caractéristiques de l’humain malgré une boîte crânienne de 500 cm3, à peine plus grande que celle d’un chimpanzé. Australopithèques tardifs et homme primitifs se sont manifestement côtoyés. Homo naledi avait tout ce qui est central, comme son torse, qui faisait penser à l’australopithèque et tout ce qui est en contact avec l’extérieur identique à nous : de longues jambes droites destinées à de longues marches, les mêmes pieds, les mêmes mains, les mêmes dents, comme si l’environnement extérieur avait dirigé son évolution. Puis patatras ! Nouvelle désillusion, une analyse bayésienne ne lui donne qu’un peu plus de 900 000 ans  et il a certainement lui aussi côtoyer Homo erectus, notre ancêtre. Et depuis, comme les Shadocks, on continue à creuser et à gratter, gratter, gratter...

      « La représentation de l’évolution humaine où l’australopithèque se redresse et se transforme en Homo habilis puis en Homo erectus et enfin en Homo sapiens doit sa popularité au fait qu’elle est facile à mémoriser et à comprendre, souligne Antoine Balzeau. Le problème c’est qu’on sait aujourd’hui qu’elle est complètement fausse. ». Trouver les branches de notre arbre généalogique n’est pas évident : l’évolution ne se fait pas en ligne droite, elle est buissonnante, foisonnante ; les populations sont confrontées à des situations différentes et testent différentes solutions pour aborder le monde. Certaines sont plus efficaces que d’autres à l’avantage des lignées qui les emploient. Certaines de ces expériences se sont éteintes, d’autres se sont développées puis métissées. Le flux et le reflux des gênes au milieu de ces groupes devaient être si complexes qu’il vaut mieux renoncer à trouver une évolution simple et linéaire. Ces lignées peuvent se métisser à plusieurs reprises ce qui complique considérablement l’enquête. Au lieu de nous obstiner à chercher le chaînon manquant, il vaut mieux trouver une nouvelle métaphore pour illustrer la naissance de notre espèce, une image qui exprime mieux son aspect fluide et dynamique : ce serait plutôt celle d’un cours d’eau aux multiples bras naissant à la base d’un glacier. Les bras s’éloignent, se retrouvent, se séparent un peu plus loin, se retrouvent à nouveau pour aboutir à la rivière. Chacun des bras a participé dans des proportions variables pour aboutir au résultat que nous connaissons. On ne pourra sans doute jamais tracer une frontière bien nette entre ces groupes et les hommes modernes. Qu’on le veuille ou non, Adam et Ève n’ont jamais existé. Notre arbre phylogénétique est constitué à sa base par un réseau inextricable de racines et non par un tronc unique. La nature est compliquée et indifférente à notre besoin de ranger les fossiles dans des cases bien distinctes et ordonnées. L’aube de l’humanité a été marquée par de multiples expériences évolutives où se croisent des singes bipèdes et des hommes à petits cerveaux et depuis, Adam a pris un sacré coup dans les côtes.

Vieille carte postale du Pré de Madame Carle

Vieille carte postale du Pré de Madame Carle

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