Page du 10 octobre 2018 jour de l'Apocalypse
Selon les oiseaux de mauvaise augure et les sinistres sectaires tout de sombre vêtus brandissant leurs pancartes « La fin du monde approche », la fin du monde est annoncée pour la fin du mois. Et si ce n’est pas celui-ci, ce sera le suivant. Elle aura lieu dans une soupe aux champignons radioactifs après le bulletin Météo du soir : « Partiellement nuageux, risque de pluies épaisses. Maximum prévu : 3800 degrés ». Elvis Presley ressortira de sa cachette pour l’occasion et chantera « Blue Suede Shoes » et Mireille Mathieu « Z'avez pas vu Mirza? »... À force de fréquenter de près la catastrophe annoncée, on finit par s’y habituer et même par y prendre goût : les filles, qui jusque-là n’étaient que des canons, sont devenues des bombasses, voire des bombes atomiques.
On ne se plaindra pas de ne pas avoir été prévenus : cela fait presque 2000 ans que Jean, le préféré de Jésus, nous a pondu son Apocalypse durant son exil à Patmos. On se fait à tout, c’est notre force. Le Japon penché au bord de l’abîme côtoie l’Apocalypses depuis bien plus de millénaires. Trois catastrophes nucléaires en moins de dix ans et plus de mille tremblements de terre chaque années, des typhons chaque weekend et la télé tous les soirs, il y a là de quoi modeler paysages et habitants. À Fukushima, en souvenir du tsunami doublé d’une catastrophe nucléaire, un groupement d’artistes réchauffe l’ambiance dans les endroits les plus contaminés. Ils ont transformé le drapeau japonais avec son soleil rouge central en signal de danger nucléaire et l’on planté fièrement sur les ruines en chantant à tue-tête « La radioactivité, c’est le top ! ». À l’aide d’un haut-parleur lançant des cris de corbeau et en trimbalant un corbeau empaillé par la fenêtre d’une voiture, ils ont réussi à attirer des centaines de corbeaux et l’exploit de les faire voler au-dessus du Sénat japonais en guise de message macabre et rigolard. Comme l’affirme Haruki Murakami, ces militants démontrent qu’« au plus profond de son être, tout individu attend la fin du monde ». Mais, dans le même temps, ils diffusent l’idée que même la fin du monde nous laissera joyeux et créatifs. Depuis des millénaires, l’Apocalypse est avant tout une extraordinaire source d’inspiration :
Oh Armageddon !
Crachant le feu tel un démon,
Semant la mort et la désolation,
Parsemant le monde de corps en décomposition,
Tu offres un magnifique engrais à nos gazons !