Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 24 octobre 2018 jour de violence

Denis Vallier

      Même si dans mon idée, le but est louable, j’use de violence à me saouler d’apocalypse, à me gaver de fin du monde, à affirmer que l’humanité disparaîtra et c’est par là qu’il me faut commencer. Réfléchir sur la violence, c'est appeler immanquablement la non-violence dans son miroir, c'est à dire à être idéaliste. C'est systématiquement refuser de voir l'omniprésence de la violence pour envisager sa disparition dans un monde fantasmé, dans un incertain futur où s’épanouirait un mythique homme nouveau.

      C'est ainsi que nous nous leurrons : c’est ce que nous faisons depuis des lustres avec l'absence totale de résultat que l'on constate. On biaise, on détourne les regards, les conversations et parfois même les avions. Si je ne me considère pas comme potentiellement dangereux et violent, je vais souffrir parce que je vais prendre de plein fouet le fait qu’objectivement, en tant qu’être humain, je suis un élément constitutif de cette violence. À partir de cette acceptation, je réaliserai qu'il n'y a pas de grandes et de petites violences : il n'y a que la violence qui est un mouvement, une coulée, une chose indivise qui nous a permis d’être ce que nous sommes et m’autorise à écrire ces mots aujourd’hui. Je suis indubitablement dans ce flux. En tant qu'être humain, peut-on cesser d'être violent, atteindre la sainteté quand même les saints font preuve de violence ? Puis-je sortir de ce fleuve de violences qui s’additionnent en se multipliant tant nous sommes nombreux ? Ne plus être violent verbalement, indirectement ou directement, écologiquement, économiquement, dominateur, méchant, orgueilleux, menteur, tricheur, jaloux, revanchard et tout le reste ?

      La plupart du temps, je n’y pense pas, je ne me projette pas dans cet idéal de peace and love et de bisounours, je ne projette aucune modification ni de ma personne, ni de mes actes : je me contente des faits, de l'actualité, du présent. Et pourtant, dans les eaux grossissantes de ce fleuve devenu rouge sang,  je réalise dans le même temps l’urgence d’y mettre fin « maintenant »… Je me dis « Toutes ces malheurs, ce n’est pas bien, pas bien du tout… » et je me rendors devant ma télé. Si je ne peux pas le faire de manière plus déterminée, je suis perdu ; si nous ne pouvons pas le faire ensemble, nous sommes tous perdus. Faire… facile à dire, rien ne fonctionne dans le bon sens. Il nous faudra bien trouver, sinon aucune astuce intellectuelle, aucune savante cogitation sur la non-violence et aucune nouvelle législation ou nouvelle religion théologique, politique, philosophique, psychanalytique n'y changeront rien et nous tous, allons connaitre des horreurs qu'aucun mot ne pourra jamais décrire. Suis-je suffisamment violent pour me faire comprendre ?  

Pochette de l’album  “In the court of the Crimson King”

Pochette de l’album “In the court of the Crimson King”

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires