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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 15 décembre 2018 jour qui dit oui.

Denis Vallier

      Ce monde est fou ! Nous sommes tous de grands malades, nous avons perdu la tête, nous sommes cernés par les cons… En tout cas, c’est ce qui se dit dans les bars d’Internet et ce que je répète à l’envi.  Ce monde est peut-être fou mais il n’en est pas moins prodigieux… Mais pour être malade, il faut d’abord être, pour perdre, il faut d’abord avoir reçu. Sommes-nous pleinement nous-mêmes devant nos écrans ? Recevons-nous le monde comme il le mérite ? Ne sommes-nous pas morts au présent en nous sacrifiant à l’immédiat ? En fait dans la vraie vie, nous mourrons chaque jour un peu plus et nous n’en tenons pas compte. C’est particulièrement le cas quand nous perdons des amis ou des proches, on a le sentiment de perdre une dent que nous ne reverrons plus. La vie, c’est ça et non pas nos mondes virtuels. Mes trois dernières tantes, tant aimées, sont en train de mourir et, sans la diminuer, je partage la douleur de mes cousins… Elles ne sont déjà plus tout à fait avec nous, elles s’effacent du monde, elles gomment des figures qu’elles ont mises une vie à dessiner. Quand nous sommes en train de perdre un proche et que sa fin est inéluctable, le deuil commence son travail. On peut alors découvrir dans l’amertume de nos larmes quelques larmes de joie d’avoir tant aimé.

      Quiconque troque son cœur de pierre contre un cœur de chair devrait savoir qu’il va souffrir : quand on achète un chiot, on sait déjà que cette peluche deviendra un compagnon que nous pleurerons à sa mort. C’est dans l’ordre des choses, l’inverse est toujours un drame encore plus absurde. Quand on est jeune, on s’imagine que ça va durer toujours et puis on réalise que les moments d’éternité sont bien trop courts, que naître et s’ouvrir au monde, s’ouvrir à l’amour, c’est avoir l’honneur et le privilège de souffrir puis de mourir. On peut toujours mettre ça dans sa poche avec son mouchoir par-dessus mais jusqu’où la résignation de celui qui change ses désirs plutôt que l’ordre du monde tel qu’il est, se distingue-t-elle du consentement de celui qui non seulement change ses désirs, mais en plus change leur nature de manière à les dépouiller de toute tristesse possible ? N’est-ce pas toujours un coup de peinture fraîche sur une façade en ruine ? Les tagueurs de talent l’ont bien traduit.

      Quand on enterre un proche, la révolte est inutile, on est bien obligé de se résigner, on n’a pas le choix. On se résigne mais mieux vaudrait y consentir. Mais comment consentir à l’horreur ? On peut tenter de se dépouiller d’un coup de toute tristesse comme on jette au sale ses sous-vêtements malodorants ou bien le faire avec patience en prenant tout son temps. Il y a dans la résignation l’idée qu’un enterrement est une objection à la vie alors que dans le consentement, il y a celle qu’il authentifie l’ampleur de l’amour vécu et authentifie une vie qui a été et reçue et donnée. Le consentement peut même aller jusqu’au détour de l’humour, voire jusque dans les plus hauts degrés de l’humour noir. De toute façon et en fin de compte, si la vie est absurde et ne sert à rien, pourquoi s’en faire puisque ça ne sert à rien non plus ?… Et puis, pourquoi faudrait-il que tout ce qu’on fait, pense et ressasse soit toujours utile ? On a bien fait la Tour Eiffel à Paris, elle ne sert à rien : c’est le monument le plus absurde et inutile qui soit mais aucune construction ne nous a rapporté autant. Vue de la province, elle est donc franchement parisienne… et de l’étranger, magnifiquement française.

Beauté de l'inutile...

Beauté de l'inutile...

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