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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 24 janvier 2019 jour de Cioran

Denis Vallier

      On nous raconte que la Terre est une sphère suspendue dans l’immensité du vide mais pas besoin d’être grand clerc pour constater qu’elle ne tourne pas rond, que le monde est absurde, qu’on marche sur la tête. Au fond, et même sur les bords, il n'y a que deux vrais philosophes : Camus et Cioran. J’entends d’ici les hurlements des élites intelligentes ! Camus, passe encore pour les ados, quoique… mais Cioran, ce paumé aigri et envieux, ce cycliste apatride, ce fils de pope, jamais !…

      Ils ont pourtant eu le courage de nous dire :
- Les Mecs ! C'est très simple. Tout ce que vous vivez est con, absurde, cruel et murphyque (souvent les quatre à la fois). Vous n'y pouvez rien, faut vous démerder avec ! Camus, tout le monde connaît et beaucoup apprécient, mais pour Cioran, la gloire est moins évidente. Pourtant cet homme a vécu pauvrement en accord avec lui-même et a remis l'homme à sa place : un rien du tout entre deux parenthèses de néant comme cet Iranien devenu lui aussi apatride qui a vécu 18 ans dans le Terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle. Spielberg a saisi toute l’absurdité de cette belle allégorie pour en faire un superbe film, qui explique entre autres pourquoi on appelle cet endroit un terminal. Cioran, maître es-aphorismes, témoin d’une époque tordue par l’instinct animal de l’espèce humaine, martelée d’anti-utopie amorales mises en pratique et d’appétits aveugles et inassouvis fut, en quelque sorte, un de ces ascètes qui, de leur seule présence et par leur unité, rendent sa fierté à notre basse engeance. Quand on présente tous les symptômes d’une dépression permanente et qu’on est ravi de s’y trouver plongé, c’est pour le moins un gage d’originalité et manifestement une preuve d’intelligence.
On le classait parmi les sceptiques mais c’est pourtant loin d’être évident. Quand on est certain d’être sceptique, cela laisse planer quelques doutes… Il n’a jamais réussi à élaborer un système philosophique mais son œuvre formule un certain nombre de certitudes ou de vérités qui s’accommodent mal avec un scepticisme systématique... « Le scepticisme est une attitude éminemment philosophique, mais paradoxalement il n’est pas le résultat d’une démarche, il est inné. En effet, on naît sceptique. Ce qui n’empêche pas des manifestations superficielles d’enthousiasme. »  accordait-il. Ce n’était pas particulièrement un marrant mais il était ironique, il avait l’apocalypse joyeuse et esthétique et c’est en cela qu’il m’amuse. On peut lui concéder que si l’on possède quelques dispositions à la lucidité, cela conduit plus à l’humour noir qu’à la franche paillardise. Le rire devient alors une démarche volontaire

      Quand on finit par admettre l’incompréhensible, tout devient clair : vous comprenez pourquoi la crêpe colle au plafond, le téléphone sonne quand vous êtes sous la douche, pourquoi se faire servir un café déclenche des turbulences en avion, l'autre file au super marché qui se traînait jusque-là va d’un coup forcément plus vite (même si tu changes de file, celle que tu viens de quitter deviendra alors la plus rapide) et pardessus tout ça, pourquoi votre petite amie vous annonce qu'elle est enceinte, mais pas de vous... L’immeuble brûle et s’effondre, c’est normal… c’est la gravité. Mais...  Mais, en ricochet, on retire de tout ce que nous ont dit nos deux philosophes, écrivains, poètes :

      - Le monde est absurde et con, peuplé de cons ce qui nous rend con parmi les cons. Ceci dit, nous pouvons quand même nous marrer comme des bossus et prendre notre pied. De toute façon, ça ne changera rien, et ça ne peut pas faire de mal ! D'ailleurs, le sourire est la seule défense efficace contre l'Absurde, et le rire, le seul moyen de lui montrer les dents tant qu’il nous en reste !... C’est la seule manière de dire que nous sommes peut-être cons parmi les cons mais bien vivants et joyeux de l’être.

Vive la vie !

Vive la vie !

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