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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 19 mai 2019 jour chez les sauvages.

Denis Vallier

On se trimbale le passé de la vieille Europe, il est pesant, lourd de sens et de cadavres. Nous le tirons comme un boulet en boitant bas… Mais comme il est aisé de critiquer et si difficile de construire… Qui se moque des boiteux ferait mieux de se regarder marcher… Une autre leçon à tirer de ce douloureux passé est que, comme l’historien le fait, nous devons sans cesse nous demander ce que nous faisons. Où sommes-nous situés ? Quelle distance avons-nous avec l’objet que nous regardons ? Quelle relation avons-nous avec notre présent ? J’aime bien les historiens parce qu’ils se posent de bonnes questions.

Dans des ZAD ou même, plus près de nous, dans certains ronds-points, des tranches de notre population résistent à l’évolution de notre société. À part ce crachin persistant, rien ne tombe du ciel, tout a une cause, mais pour comprendre comment on en est arrivé à la situation actuelle, l’histoire a ses frontières et l’historien ses limites : si l’on voulait étudier les dernières tribus « non-contactées » au fin fond de l’Amazonie ou des îles Sentinelles, quel travail pourrait-on produire ? Des hommes comme vous et moi sont restés hors de notre histoire et continuent à vivre dans des niches comme il y a plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’années. Que font les historiens d’une société qui n’entre pas dans le flux de l’histoire telle que nous l’entendons ?

Il y a tout d’abord une distinction devenue inacceptable, c’est l’idée reçue qu’existeraient des sociétés qui n’auraient pas d’histoire. Toute société a son rapport au temps, une historicité variable selon sa culture et son mode de vie. Chacune a sa version de son passé, de son présent et de son futur. Certaines vont se désintéresser de leur passé comme l’a montré le passionnant anthropologue Philippe Descola (- qui sait de quoi il parle puisqu’il a passé trois années en immersion dans la jungle entre le Pérou et l’Equateur) en prenant l’exemple des Achuar d’Amazonie ou au contraire, d'autres comme la nôtre, se fichent de leur avenir en fonçant tête baissée et sans casque droit dans le mur. Tout le monde ne considère pas comme je le fais que l’histoire fait partie d’un patrimoine que l’on doit valoriser, intégrer et qui doit nous faire réfléchir. Ce n’est pas une évidence : les Achuar ont une historicité, mais ils ne s’intéressent pas au passé, ni dans leur mythologie, ni dans leur vie quotidienne, pour eux, le passé n’existe pas car il est figé, immuable et intouchable ce qui ne manque pas d’un certain bon sens. Est-ce une manière de rester jeune à jamais ? Est-ce une leçon pour nous-autres fétus emportés par le flux et qui emmagasinons scrupuleusement des milliards de milliards de données ?

(Dessin d’Unger)

(Dessin d’Unger)

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