Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 25 juin 2019 jour de panne d'essence.

Denis Vallier

      "L’existence précède l'essence"… Je dois l’avouer, je n’ai jamais compris vraiment ce que voulait vraiment dire Sartre : cela me paraît trop simple ! En tout cas, ce que je ne comprends toujours pas, c’est que l’on ait fait tant cas de cette citation qui me paraît une évidence : il a bien fallu que les végétaux existent avant qu’on ait du pétrole. Ce que Sartre souligne dans sa conférence "L’existentialisme est un humanisme" c'est que le moi n'est pas substance… Et cela me pose autrement problème.

      À ma faible hauteur de vue, ça sent l’arnaque messianique car à mon sens, l'existence ne peut précéder que la prise de conscience de l'essence inscrite en bonne part dans nos gênes, notre chair, ce qui fait qu’en vieillissant le nez de notre grand-père réapparaît au milieu de nos faces étonnées et décaties. Nous avons une programmation inscrite dans la matière, qu’elle soit grise, blanche, rose, peu importe. Prendre son petit-fils sur ses genoux ressemble à une de ces vidéos en accéléré de la pousse d’une plante mais que l’on passerait à l’envers comme le verrait bien Woody Allen. Après, certes, un nez peut toujours se casser et la chirurgie esthétique accomplira des miracles pour nous en refaire un qui soit présentable. Comme le suggérait déjà Shakespeare, l'existence c'est tout ou rien : il m’est impossible de me représenter une existence partielle ou approximative. Elle ne laisse pas de place au compromis : un "objet" existe ou alors il n'existe pas, comme on le sait à Lapalisse. L'existence étant le tout, il n'y a pas de complément qui soit : si l’objet existe, alors il n'a pas d'essence ; ce sont nos représentations qui le réduisent à cela et lui collent cette étiquette. Par contre, s'il n'existe pas en tant que tel alors il n'est qu'essence : l'existence n'étant pas, le complément seul désigne alors "l'objet". Ainsi (- pour donner un exemple car je vous sens perplexes à juste titre), dans le domaine des idées, Dieu est essence mais il ne saurait exister dans notre réalité et ce que j’écris là existe bel et bien sous vos yeux mais n'a pas d'essence perceptible même si j’affirme que c’est Dieu qui me l’a inspiré. Vous en conviendrez volontiers… non ?

      Même si on peut scientifiquement donner sa fréquence dans notre spectre visuel, il est difficile d’expliquer la couleur rouge par des mots à un enfant sans lui dire que c’est la couleur que partagent entre autres le sang, le coquelicot, le Père Noël et les cerises, que c’est comme ça et puis c’est tout... Par association, on parvient à s’en sortir, par contre, cela m’amène à penser que l'essence est une perception entièrement personnelle que l'on a d'un objet que l'on ne peut ni montrer, ni démontrer à moins d’être doué de talents hors normes qui me dépassent, et encore... Dans ce domaine, les mots sont insuffisants sauf, peut-être, s’ils sont dits avec poésie ou remplacés par une autre forme artistique de haute qualité. Mais j’estime que seuls quelques très rares poètes ultrasensibles, dotés d’une finesse d’analyse proche du génie, sont capables de nous restituer avec un minimum de fidélité leur ressenti. Bref, ce n'est pas donné à tout le monde et ce n’est pas perceptible par les cinq sens ordinaires, mais par une sorte d’improbable "sixième sens"...  Comme disait Cioran : "Dans un monde sans poésie, les rossignols se mettraient à roter".

Page du 25 juin 2019 jour de panne d'essence.
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires