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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 15 octobre 2019 jour des aveugles.

Denis Vallier

      "Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ?" s’inquiétait Baudelaire sous psychotropes… Tac Tac Tac…Je suis comme tout le monde, je tâtonne en aveugle dans le monde que j’ignore et qui m’ignore tout autant…Tac Tac Tac… Que vois-je, où vais-je tapotant de ma canne blanche ? L’avantage d’être aveugle c’est que l’obscurité ne vous dérange en rien et que l’on se fiche totalement des apparences, par contre, si vous savez où vous n’irez plus et ce que vous fuyez (- est-ce la mort ou l’enfance, ou bien leurs noces blanches ?), vous n’avez aucune idée de là où vous allez. Plus que la douleur d’une absence, c’est l’arrachement d’une part du possible et donc de vous-même qui fait mal. Aucun phare à l’horizon, pas la moindre loupiotte pour indiquer la voie. Il est vrai qu’en plus, je ne suis pas une lumière, à peine une étincelle d’intelligence de temps à autres. Le reste du temps, ce qui me sert d’intelligence est un scandale permanent contre l'esprit et l'art de s'en servir mais comme tout le monde, je n’ai rien d’autre à ma disposition.

      Pourtant ma femme, presqu’en reproche,  me reconnaît une assez bonne vue pour un aveugle, relativement rapide quand nous croisons une jolie femme, mais comme latinisait Ovide : "Video meliora proboque, Deteriora sequor" "Je vois le bien, je l'aime et je fais le mal". Je n’ai rien d’un sadique puisque je ne fais pas sciemment le mal, mais je fais beaucoup de travers. C’est le traitement de l’info qui pêche sans doute parce que je suis cruellement embourbé dans les marais de trop d’ignorances et que des sangsues peu regardantes commencent déjà à me liquéfier la matière grise... Désolé pour les âmes sensibles et compatissantes, mais il n’y a plus grand chose à faire pour moi : il est déjà trop tard, tout n’est plus que bouillie là-dedans et les asticots prennent de l’avance. Mais je n’ai pas tout perdu dans l’histoire : à lui tout seul mon for intérieur me procure un excellent film d'horreur, je suis aux premières loges et mûr pour aller du Festival d’Avoriaz à celui de Gérardmer dans un traîneau tiré par une flopée de pitbulls et de loups garous pour recevoir mon prix. Et allez ! En avant ! Fouette cocher !

(Illustration par Rob DePaolo)

(Illustration par Rob DePaolo)

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