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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 16 mars 2020 jour menaçant...

Denis Vallier
Page du 16 mars 2020 jour menaçant...

      Le monde va sur son aire en toussant et nous, confinés, nous tournons, nous bricolons, nous crions après les gosses, nous en mettons d’autres en route, nous éternuons, nous votons, nous tapotons nos smartphones, nous télévisons et même, nous lisons… et oui, nous lisons, nous ressortons de vieux bouquins pour ne pas terminer cons finis. Je suis tombé sur un livre de Rousseau. Curieux comme sa pensée nous accompagne et demeure bien actuelle au 21ème siècle : il faut garder en vue qu’il était un brin dérangé, pas mal parano et que sa grande gueule ne détonnerait pas dans le paysage médiatique actuel : je le verrais bien sur nos écrans divers, échevelé et batailleur, il aurait du grain à moudre. Mais même les paranos ont de bonnes raisons de s’inquiéter, il est vrai que l’humanité en tant que telle est toujours en sursis, on a tendance à l’oublier et l’épisode d’épidémie actuel n’est qu’une petite piqûre de rappel. Un virus devenu incontrôlable  pourrait fort bien détruire notre civilisation en un rien de temps mais on oublie Damoclès, on range son épée au musée. Souvenons-nous pourtant qu’il suffit, selon les protocoles, que deux individus tournent leur clé et appuient simultanément sur un simple bouton à distance pour que nous disparaissions en six ou sept minutes. L’absurde est au-delà de toute compréhension et l’abstraction de ce phénomène, fascinante…

      Justement, le mal n’est-il pas tout simplement l’abstraction ? N’est-ce pas ce que la raison laisse à la nuit et considère comme insignifiant ? N’est-ce pas que l’on pense obscurément loin des concepts, loin des clartés promises par une explication synthétique et conceptuelle du monde ? Les deux individus aux commandes compteraient pourtant bien rentrer chez eux sans être le moins du monde affectés par le mal qu’ils auraient causé : ils n’entendraient aucun cri d’effroi. Mais leur quiétude serait de courte durée, les machines répondraient aux machines en quelques nanosecondes et l’humanité serait pulvérisée dans un silence de mort puisqu’il n’y aurait plus personne pour entendre ne serait-ce qu’un soupir. C’est quand même prodigieux une telle performance éventuelle et Rousseau en serait traumatisé par anticipation mais guère surpris.

      Le monde continuerait sa ronde sans les hommes, il s’en fiche le monde, il n’a aucun état d’âme. Dans le journal Combat du 8 mai 1945 tout juste après Hiroshima et la veille de Nagasaki, on pouvait lire ces mots d’Albert Camus : "Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose, c’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevrons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements. L’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison." C’est valable pour la bombe comme pour tout le reste, tout ce qui concoure à l’enfer, mais le paradoxe, c’est que, 75 ans plus tard, on soit toujours aussi indécis, le cul entre deux chaises… On attend quoi ? Le déluge ?

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