Page du 27 août 2020, jour d'amplitude...
Je pense souvent à Saartjie Baartman, pas vous ? Cela me peine et me révolte : la malheureuse était appelée la "Vénus hottentote" à cause de son fessier proéminent. Elle fut arrachée d’Afrique du Sud en 1810 après avoir été vendue et débarquée dans une Europe où les gens avaient la tête pourrie par des idées racistes proches de celles des esclavagistes. Certains la considéraient comme une sorte de chaînon manquant et elle fut ainsi exposée dans une cage à une époque où l’on visitait des zoos humains, c’est tout dire… Il est vrai qu’elle possédait quelques caractéristiques proches de la Vénus de Willendorf, mais ce n’est ni une raison, ni un mal, ni un déshonneur, bien au contraire. Le regard que nous portons sur nos corps est conditionné par notre environnement sans que nous nous en rendions compte et ses fesses énormes n’étaient pas chez nous un critère de beauté au contraire de chez elle. Même aujourd’hui, nous nous étonnons encore d’une telle concentration de graisse aussi spécifiquement localisée. Lorsqu’elle mourra en 1815 d’une pneumonie et d’alcoolisme, un moulage de son corps sera fait et il aura une très longue carrière au Musée de l’Homme à Paris. La curiosité que ses fesses venues du fonds des âges susciteront sera telle que j’en suis encore à les évoquer un siècle plus tard…
La perfection n’est pas de ce monde même si tout y concourt dans le bien comme dans le mal. Mais peut-on améliorer sa nature ? En tout cas, on peut toujours l’amplifier. Les "Nanas" de Niki de Saint-Phalle, les statues de Maillol ou les personnages des peintures de Botero dégagent une harmonie agréable et sympathique malgré des proportions hors normes qu’envieraient volontiers les lutteurs de Sumo. Les fesses de leurs œuvres sont considérables mais ne sont pais disproportionnées, elles sont en rapport avec le reste du corps et, même si elles restent généreuses et nous émeuvent surtout sous une taille fine, elles ne nous invitent pas pour autant à tomber dans le fétichisme. Nous ne retournerons plus à la belle époque du corset qui, à force d’usage, modifiait la morphologie féminine : il vous faisait une taille de guêpe en mettant en valeur ce que vous aviez de part et d’autre. Et si vous manquiez d’atouts, vous vous bricoliez vite fait bien fait, un faux-cul. À cette même époque, l’instituteur vous mettait au coin et vous demandait de vous retourner pour vous humilier. En cas de récidive, les fessées pleuvaient à tour de bras. Depuis, Albert Cossery, "le Voltaire du Nil", a eu le temps d’observer que "le progrès social commence toujours par l’indépendance des fesses".