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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 16 février 2021 jour de Mère Teresa...

Denis Vallier

Dans le fond, nous sommes globalement plutôt gentils même si nous redevenons hautement susceptibles dès que l’on prend le volant. Il n’y a pas si longtemps, avant qu’on nous impose ces fichus masques, quelques sourires croisés ici et là éclairaient nos jours et nos vies. Mais ne soyons pas naïfs, si certains sourires étaient gentils, tous ne l’étaient pas. Il y avait en particulier, celui de la marchande de fleurs ou du vendeur de voitures qui, la main sur le cœur, vous fourgue son tas de ferraille. Leur sourire faisait partie du quotidien mais il n’était pas gratuit. Le commerçant fait de sa sympathie d’apparat et de sa gentillesse de façade des outils commerciaux au même titre que la pub ou une vitrine attrayante. Il vous donne son sourire mais vous prend votre argent en comptant sur le principe des vases communicants. Nulle gentillesse ici, ce n’est que cynisme et intérêt. Comme la prostitution, le but est d’instrumentaliser autrui en étant tendre avec lui pour le faire raquer. Remarquez, quitte à se faire arnaquer, autant que ce soit avec le sourire mais le résultat est le même surtout quand on ramène une chaude-pisse.

Que voulez-vous… c’est ainsi ici-bas, les uns prennent quand les autres donnent. A chacun son chemin et les vaches sont bien gardées : les uns vivent dans un monde économique, d’autres dans un monde plus spirituel mais on finit tous au même endroit dans la plus stricte égalité. À l’opposé du sourire commercial, on peut trouver celui de l’Abbé Pierre ou  d’une sainte comme Mère Teresa, extraordinaire petit bout de femme, déterminé et sacrément en pétard contre notre égoïsme stupide. Parfois, comme c’est le cas pour ces deux-là, les mots prononcés sous le coup de la colère ne sont qu’un signal de grande affection… Avec Mère Teresa, on ne peut plus parler de simple gentillesse : Anjezë Gonxhe Bojaxhiu a eu une vie et quinze ans comme sur cette photo mais elle en a fait don pour devenir Sainte Teresa  de Calcutta. La charité faite femme était même plus que dans le don, elle était dans l’abandon qui va bien au-delà. Dans tout ce que l’on fait, ce qui importe, ce sont les bonnes motivations : elles seules peuvent changer le monde et elles seules peuvent transformer la peur en colère. Mère Teresa était bien plus que gentille, elle était oblative, dans le sacrifice, tout en faisant preuve d’une imagination créatrice. Sans imagination, la bonté vire très vite à l’exhibitionnisme ridicule. Les anciens Grecs avaient quatre mots pour désigner l’amour : philia l’amitié, éros le charnel, storgé plutôt familial et cette agapè inconditionnelle et absolue où baignait notre petite sainte. Son parcours traduit la recherche d’une paix intérieure, mais il est aussi probable que dans son cas, elle ait fait tout ce qu’elle a fait sans aucun calcul véritable, sans espérer en tirer quoi que ce soit pour elle ni sur terre, ni dans un éventuel au-delà. C’est sans doute le cas, car si elle vouait une adoration sans borne au Christ, elle priait pour avoir la foi et on ne sait trop à qui elle adressait ses prières. Elle confessait : "Pour moi, le silence et le vide sont si importants que je regarde et ne vois pas, que j'écoute et n'entends pas". Par contre, longtemps après sa mort, son sourire continue à provoquer en miroir un sourire vital, spirituel et fait des émules. Cette énergie ne sauve pas que des santés mais aussi des personnes ce qui est un tout autre exploit.

Mais dites-moi, si la gentillesse n’est ni chez l’arnaqueur, ni chez la sainte, où se trouve-t-elle ? Sans doute entre les deux mon capitaine, c’est une vertu moyenne. On peut être vendeur de voitures, âpre au gain et cynique, tout en étant gentil à ses heures. De même, la gentillesse peut être une propédeutique, une préparation besogneuse à la sainteté, ce n’est pas exclu. Entre les deux, la grande majorité des humains se retrouve dans une gentillesse plutôt molle. Dans nos comportements avec les autres, à l’un, nous emprunterons un peu de cordialité et à l’autre un soupçon de désintéressement puis nous remonterons nos fichus masques froids et stériles sur notre nez à cause de la buée sur les lunettes.

(Photo : à gauche Anjezë Gonxhe Bojaxhiu à 15 ans qui deviendra Mère Teresa)

(Photo : à gauche Anjezë Gonxhe Bojaxhiu à 15 ans qui deviendra Mère Teresa)

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