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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 19 février 2021 jour intéressé...

Denis Vallier
(Dessin de Gypsie Raleigh)

(Dessin de Gypsie Raleigh)

Quand bien même on serait la pire des crapules, on s’estime comme quelqu’un de plutôt bien malgré quelques défauts qui vont de la gourmandise au goût trop prononcé pour les meurtres en série. Je connais même des psychorigides à la morale très élastique… Kant, entre autres, s’est beaucoup intéressé à la morale… Comme Pessoa, il a connu le monde entier rien qu’en faisant le tour de son quartier. C’est peut-être pour ça que j’aime bien ce type réglé comme une horloge et qui ne manquait pourtant pas de fantaisie. Ce n’est pas pour autant que je vais le suivre dans ses conclusions…

Il m’arrive, comme ce matin, de me regarder dans la glace et j’y ai vu un type mal rasé à la morale en pointillé en train de chanter "All you need is love" des Beatles… il se disait que c’est tous les jours la Saint-Valentin, même si on ne s’appelle pas Valentin… finalement, serait-ce un être moral ? Il finit par m’intriguer celui-là, surtout quand je disparais au fond du trou noir de ses pupilles. Contrairement à la morale kantienne qui m’invite à me désintéresser, ma morale à la petite semaine est une morale de l’intérêt. Attention ! N’allez pas trop vite en besogne pour la juger… je ne suis pas forcément une pute même si ce n’est pas si déshonorant que ça, ni un type gentil et respectueux par calcul, aimable en vue de son profit ou pour séduire une petite amie. Je n’ai pas dit cela : c’est bien sûr l’apparence que nous sommes nombreux à donner, mais je trouve réellement de l’intérêt à m’intéresser à autrui. J’ai, par exemple, de la passion pour sa souffrance, de la passion pour sa passion (- même si elle n’a rien de christique), et je découvre après coup, dans cette compassion éprouvée et vécue à son contact, qu’autrui est bien plus intéressant que moi… ce qui n’était pas évident au départ. C’est là un intérêt plutôt noble, non ? Pour un intérêt désintéressé, les dividendes sont immatériels mais leurs effets sont bien réels et c’est le principal… par contre, ce n’est pas coté en bourse... Ce qu’il y a d’intéressant dans cet intérêt-là, c’est que je me désintéresse enfin de moi-même…

La gentillesse que l’on croise dans les restos du Cœur par exemple, n’est pas niaise au point de dire oui à tout, elle est une forme d’empathie où l’on disparaît : d’une certaine manière, elle vous évide comme un arbre creux, elle vous siphonne de vous-même si présent, si pressant, si encombrant, et oblige à s’intéresser enfin à l’autre. Si vous êtes vendeur de voitures, cette expérience quasi existentielle de la gentillesse ne vous empêchera pas de continuer à fourguer vos bagnoles en baratinant avec le sourire puisque c’est votre travail, mais cela vous pèsera… La gentillesse peut tout aussi bien vous sauver miraculeusement de l’absurdité si vous êtes un jeune et richissime trader de la City déconnecté de toute réalité et en plein burn-out. Une journée à rendre service au resto du cœur de votre quartier en vivant cette expérience de la gentillesse et de l’amour gratuit, peut alors vous inviter à vous demander si donner du sens à la longue vie qui est encore devant vous, n’impose pas à un trader en plein doute de devenir prof des écoles ou même, prêtre ouvrier dans les quartiers nord de Marseille comme cela s’est déjà produit… Après, vous le faites ou vous ne le faites pas, mais la question salvatrice aura au moins eu le mérite d’être posée…

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