Page du 16 avril 2021 jour de résurrection...
Les historiens nous apprennent que l’époque de Jésus fut la plus mystique de notre Histoire : la demande de merveilleux était telle que n’importe quel tour de passe-passe pouvait passer pour un miracle. Une guérison était une intervention divine ou un ciel noir un signe de Dieu... Les Houdini, David Copperfield et autres Uri Geller auraient fait de bons candidats au poste de Messie vacant depuis des siècles et des siècles… Dans une telle ambiance, il est possible que la naissance de ce qu’on appellera le Christianisme soit comparable à l’apparition du rap dans le genre musical : ce qui est vraiment troublant et inquiétant, c’est que son succès ne repose explicitement sur rien. Cette réussite est celle de chacun d’entre nous touché par la foi ce qui nous donne une raison de plus de nous méfier de nous-même.
On pourra toujours nous raconter ce que l’on veut, mais même si Jésus n’était pas n’importe qui, ses talents ne pouvaient être exceptionnels au point de ressusciter Lazare quatre jours après sa mort sans une entourloupe. Si l’on regarde d’un peu plus près ce cas précis, on s’aperçoit qu’il n’existe aucun témoignage de la mort de Lazare, que celui-ci avait pour sœur, Marie de Béthanie, une pasionaria de Jésus et que celui-ci avait pleuré à l’annonce de sa disparition,,, s’il allait le ressusciter, pourquoi pleurer ? Une connivence entre Lazare, Marie et Jésus, nous donne un début d’explication. Toutes les mystifications étaient possibles et même légitimées par la concurrence des nombreux prédicateurs prétendants au titre de Messie : il fallait faire le buzz…
Il est assez normal de se montrer sceptique devant un tel exploit et tous les miracles furent contestés les uns après les autres même par des croyants. Tous, sauf un qui nourrit leur foi. Il est la clé de voûte qui maintient leur édifice debout et ne saurait être remis en cause : la Résurrection du Christ. Cette résurrection que Thomas a dû toucher du doigt pour y croire donne un sens à leur existence qui, sans elle, se réduirait à un hoquet dans le néant. Les évangélistes se répandirent en détail sur ce prodige (- contrairement à l’Ascension vaguement décrite par un incertain "Il fut enlevé au ciel" de Marc et par "une nuée qui vint le dérober" de Luc dans le silence de Mathieu et de Jean)… Que de magie et de merveilleux pour nous conter la résurrection !… On peut en sourire, mais il faut lire le beau et bouleversant final originel des récits évangéliques, laissant le récit ouvert sur la disparition, le silence et la tristesse, celle de Marc : "les femmes s’enfuirent du tombeau, stupéfaites et tremblantes. Elles ne dirent rien à personne. Elles avaient peur." Là s’achevait primitivement le récit évangélique mais bientôt, une fois apparues les premières communautés chrétiennes, il devint difficile d’admettre que les derniers mots soient ce silence et le tremblement des femmes. Comme la chute était bien trop brutale, on ajouta un final dit "canonique" qui raconte les apparitions posthumes du disparu.
Ce final de Marc est une scène simple et éblouissante. Un dénouement tranchant comme un coup de bistouri provoquant un effroi libérateur… Car à ce stade, cette disparition était une délivrance, la fin d’une épreuve terrible et interminable. Le rajout d’une "résurrection" est un relèvement possible, une consolation qui comble l’absence et bouche le vide créé par la mort et la disparition. C’est un peu comme si on avait voulu exorciser la mort, en finir avec le culte des morts en célébrant la vie. Cela rappelle le combat de ces parents dont l’enfant est mort pour telle ou telle raison absurde et douloureuse et qui militent pour que cette mort soit "utile" et qu’il n’y ait "plus jamais ça"…