Page du 19 avril 2021 jour de lecture libre...
Certes, un bon dessin vaut mille mots, mais il y a autant de poésie dans "L’origine du Monde" de Courbet que dans une notice de montage IKEA : elle laisse très peu de place à l’imagination. Et justement, l’avantage des mille mots et des livres sur l’image c’est qu’ils nous donnent accès à un monde où l’on peut exercer ce qui nous sert de liberté : en faisant preuve de confiance, on s’efforce dans un premier temps d’adhérer à l’écrit, on laisse mijoter pour ensuite prendre de la hauteur comme un drone et l’observer en s’en détachant. On peut ainsi se faire sa propre idée des lieux et c’est applicable à n’importe quel écrit. Il en va de même pour un livre des origines du monde comme la Genèse issue de la plus ancienne tradition occidentale dont nous ayons traces (- après la mésopotamienne et l’égyptienne toutefois). Elle fait partie du patrimoine mondial et appartient donc à tout le monde et du coup, chacun a le droit de se l’approprier à sa guise. Comme les auteurs ne trouvent rien à redire et sont de toute façon injoignables, je me suis permis depuis très longtemps une libre interprétation qui n'a rien, ni d’évangéliste, ni de catholique, ni de juive, ni de musulmane, puisque les uns prennent ce qui y est écrit au pied de la lettre, les autres l'ont totalement ignorée fort longtemps, les troisièmes la découpent en tranches tellement fines qu'on pourrait en faire une étude histologique et que les quatrièmes la considèrent comme ésotérique. Mais pourquoi donc chercher du fondamentalement obscur pour reproduire du clairement superficiel ?
Il y a sans doute quelques raisons… Si parmi les ouvrages religieux, on prend l’exemple du Coran, c’est un ouvrage qui doit s'aborder par une lecture totale, car c'est un livre qui parle de sujets souvent proches mais avec des vues évolutives. Prudent, le prophète Mahomet prévenait que chacune de ses phrases contenant un sens premier et un sens ésotérique... et donc que le Coran, si beau et poétique par moments, si dur et féroce à d’autres, était un livre plein de paradoxes... Il distinguait ainsi deux sortes de connaissances : une qui s’enseignait et l’autre qu’il se mettait de côté pour nous éviter de nous brûler les yeux à ce qu’il en disait… C’est astucieux mais il n’y a là rien d’étonnant, le procédé est vieux comme les religions… Systématiquement, dans toutes les religions, les énoncés n’ont pas un seul sens, mais plusieurs. Leur force est précisément de pouvoir soutenir n’importe quelle position subjective en permettant d’affirmer tout et son contraire mais malheureusement aussi, de servir d’aliment aux fantasmes les plus opposés et les plus extrêmes. Quand on réalise cela, il ne sert vraiment à rien de discuter de religion…
Par contre, de ces déplacements de concepts et de perspectives pourrait naître également une autre façon d’approcher la Bible, le Coran ou n’importe quel livre religieux dans le contexte de la culture de chacun même si elle est laïque ou agnostique : une autre manière de déchiffrer le monde, une autre manière plus personnelle, plus poétique et nettement plus libre d’y projeter un sens à sa guise comme dans toute autre lecture. Il y a là matière à s’enrichir mutuellement, mais ce qui importerait alors, c’est de n’imposer à personne sa propre vision… surtout quand elle est aussi iconoclaste que la mienne : elle frapperait d’apoplexie les plus anti-conventionnels d’entre nous…