Page du 27 avril 2021 jour d'exode...

"De toute façon, c’est un mystère !"… c’est ce qu’opposait en dernier recours mon curé à mes questions enfantines. Après ses tentatives désespérées pour m’inculquer son catéchisme, il m’a été facile de vérifier à quel point il voulait me faire prendre des messies pour des lanternes. Je l’ai lue sa Bible et j’ai bien aimé quelques passages, mais j’ai aussi pris le temps de les rapprocher de ce que nous apprend l’Histoire. En principe, même si les pierres se rongent et fondent, les Tables de la loi devraient encore exister et c’est bien dommage que personne ne les ait trouvées : le plus vieux support connu d’un texte biblique est  l'amulette de Ketef Hinnom vieille de 2600 ans et le plus vieux fragment de manuscrit remonte à la fin du 3^ème siècle av. JC… La majorité des archéologues s'accordent  pour situer l’écriture de la Bible entre le 8^ème et le 2^ème siècle av. JC… Ces vieilles histoires sont superbes, elles nous rapportent des merveilles et évoquent de glorieux héros multi-centenaires, des miracles, des deuils, des fêtes joyeuses, du sang et des larmes mais la tendance est à regrouper des évènements éloignés dans le temps et l’espace pour les faire tenir ensemble. L’Exode, mon histoire préférée, en est un bel exemple. Des linguistes ont déterminé que les formes de langages les plus anciennes de la Bible se trouvent justement dans l’Exode, ce qui pourrait indiquer que c’est là son véritable point de départ. Par contre, les historiens éprouvent le plus grand mal à situer l’époque correspondant à cet éloge exaltant pour la liberté et l’autonomie de 600 000 familles. Cela représente au bas mot une colonne de 3 millions de personnes (- ce qui est invraisemblable et suppose une intendance colossale, la manne et l’eau des rochers n’étaient pas de trop) mais il n’en reste aucune trace physique. On a avancé malgré tout que cela a pu se passer durant le règne de Ramsès II c’est-à-dire entre -1279 et – 1213 car c’est l’époque où fut construite, principalement par des travailleurs juifs, la ville de Pi-Ramsès. Mais les destructions des villes que la Bible attribue à Josué, le successeur de Moïse, sont étalées sur plusieurs siècles selon les fouilles archéologiques et aucune ne correspond au règne de Ramsès II… Le mystère de mon curé reste donc entier et la probabilité la plus forte est que cet Exode ne soit qu’un récit épique, un mythe fondateur sur une base incertaine et largement romancée.

Les transcripteurs successifs ont brassé ce genre d’histoires merveilleuses pour obtenir le superbe résultat que nous connaissons. Il faut dire qu’eux ne se sont pas reposés au bout de sept jours, eux au moins ont pris tout le temps nécessaire pour peaufiner le travail. Avec tout ce temps, la Bible s’est feuilletée de strates minérales accumulées et il faut une patience et des techniques d’archéologues pour s’y retrouver. L’archéologue devra se doubler d’un devin : comment inscrire de force des pierres dans la pyramide de l’Histoire et les faire parler sans risquer de falsifier des écritures plus vieilles que nos lettres, des écritures devenues quasiment géologiques ?… 600 ans pour compiler des contes et légendes, c’est un peu longuet... Comme Rome, la Bible ne s'est pas faite en un jour... On suppose une bonne quarantaine de mains différentes pour l’écrire… ce ne pouvait être que des fonctionnaires sur ordre d’une administration sans doute aussi tatillonne que la nôtre.