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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 28 avril 2021 jour du livre...

Denis Vallier

Un des effets de la littérature est de rendre à l’écriture des textes anciens leur beauté, faite d’emprunts aux chants, aux rythmes du moment, aux mots d’une saison, d’un temps. Les mots bougent et changent de sens sans cesse, ils sont faits de ce pauvre bois pâle dont on fait les cagettes, mais à force de les manipuler de nos rudes mains calleuses, ils finissent par se colorer, se patiner, ils prennent la teinte noble du vieil ivoire. On peut les aimer mais pour autant, ils n’ont rien de sacré ni d’immuable.

D’accord, ils valaient de l’or, mais au bilan, que de morts pour une histoire de bouquins. Ce n’est pas pour rien qu’on a fait des livres religieux des "canons" !… Nos religions sont fondées sur des textes écrits par des hommes comme vous et moi, il y a parfois des milliers d’années et l’on ignore tout de la fidélité des premières transcriptions puisqu’il n’en reste aucune trace…. Pourtant, nos convictions ne peuvent ni être remises en cause ni évoluer, elles sont figées, gravées dans le marbre, canonisées. Mais même le marbre se fatigue et les lettres s’effacent sous le souffle léger du temps…  À l’opposé, dans le domaine de la science, des savants ont également écrit d’autres textes, il y a tout aussi longtemps, et les générations suivantes ont profité de ces trouvailles pour s’en inspirer et essayer de poursuivre ces avancées… Comment des mots, du vent entre les lèvres, pourraient-ils être sacrés ? Ils bougent tout le temps et ne sont donc pas intouchables : Einstein était un génie mais il n’était qu’un homme et l’on peut vérifier que ses idées si brillantes sont appelées à évoluer. Cela peut être de la naïveté, mais pour les personnes d’un certain niveau, n’est-ce pas péché d'orgueil que de se promouvoir sinistre geôlier de LA Vérité par ce qu'on aura lu un livre saint qu’on affirmera mordicus, comme étant l’œuvre de Dieu lui-même ?

De plus, s’il faut en croire Cioran, la Bible est illisible en français. Il aurait pu dire sans doute la même chose du Coran ou des Véda, tous ces vieux textes ancrés dans leur passé. Ils ne sauraient se réduire à de "beaux livres" : on habite un beau livre, c’est une maison qui se passe de toit, or la Bible n’est ni facile, ni toujours plaisante à lire, il faut s’y accrocher. Certes, sa poésie est parfois accrocheuse mais elle ne saurait compenser les passages rugueux et cette résistance est sa véritable dimension littéraire. Comme tous les autres textes sacrés et immuables, elle nécessiterait un réel travail de réécriture par la littérature contemporaine pour que les œuvres de nos origines ne soient pas condamnées au statut de lettres mortes réservées aux initiés, savants ou pieux exégètes. Pour l’instant on n’en a eu que quelques versions édulcorées et animées par Walt Disney mais on mérite un peu mieux. Ce ne serait qu’une réécriture de plus comme il y en a déjà eu bien d’autres et le monde ne s’en porterait pas plus mal... Il faudrait que je songe à m’y mettre un de ces jours.

(Dessin méfiant de Kilban)

(Dessin méfiant de Kilban)

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