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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 15 juin 2021, sacré jour...

Denis Vallier

Le profane et le sacré, deux mondes qu’en apparence, un infini sépare… Étymologiquement, le sacré vient du latin sanctum qui lui-même vient de sancire, mettre à part, écarter ou de secernere, délimiter. Il en est de même pour le temple : il vient de templum, découper. De toute façon le sacré isole, sépare, met hors du commun. Le profane est littéralement devant le temple, en dehors, au pied de l’estrade où un homme professe juste avant de vous opprimer. C’est la théorie, car en réalité, il n’y a pas d’un côté le sacré et de l’autre le profane : il y a des degrés de sacralité et les deux mondes s’interpénètrent. Les idoles sont plus ou moins sacrées : certaines sont hautes et dures, d’autres, faibles et molles.

Même si on les apparente souvent, le religieux n’est pas le sacré. Nous réfléchissons parfois brillamment, parfois sottement et comme de nombreux autres animaux, nous éprouvons des émotions, elles nous donnent de la profondeur. Des cerveaux humains ont créé froidement le religieux, tandis que des objets, des symboles, des émotions ont créé le sacré où l’on se brûle. Celui-ci part d’un bon sentiment : par-delà la mort, des hommes ont voulu préserver leurs proches et conserver une proximité avec eux. Le sacré, noir charbon, c’est aussi du soleil et de l’amour enterrés, fossilisés. Il a précédé le religieux de très longue date. On y parle d’adoration et de culte, mais le mot religion n’apparait pas dans nos livres sacrés alors que le mot sacré y figure en bonne place. Il s’accompagne d’aménagements terre-à-terre conventionnels : une église ou un temple peuvent être sacrés. Ces édifices auront des caractéristiques précises, une orientation qui ne doit rien au hasard, des marches, un portail, une porte en bois massif, tout comme les tombes les plus anciennes que nous connaissons (- comme celle de cet enfant vieille de 78 000 ans découverte récemment au Kenya) avaient des caractéristiques bien précises identifiables de nos jours.

Le sacré est une enceinte qui rassemble les individus et qui leur permet de communier. Mais la sacro-sainte télévision et les réseaux sociaux qui ont remplacé nos lieux de culte sont au sacré de nos temples en ruine ce que les monstres sacrés du show-biz et des influenceurs sont au pape ou au dalaïlama. Si nos écrans expriment une identité collective, ils ne sont pas plus un lieu de mémoire qu’un lieu de prière tourné vers l’avenir. Un pape, bénéficiaire d’une transmission apostolique, est le dépositaire d’une tradition qui fait de lui une réincarnation du mystérieux Esprit-Saint à travers les siècles. Mais quand le Pape François, désigné par le Sacré Collège et donc verticalement par ce fameux Esprit-Saint, tweete un selfie, ne fait-il qu’utiliser un mode de communication actuel ou cherche-t-il a désacraliser sa fonction ? Pense-t-il à la portée de son geste ou est-il simplement dans son siècle ? Sans doute que tout dans ce domaine est affaire de croyance : la croyance est nécessaire au sacré tant qu’elle est partagée. Le sacré interdit le sacrilège mais autorise le sacrifice… de quel côté penche le pape François ?

Page du 15 juin 2021, sacré jour...
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