Page du 26 février 2022, jour des bisounounours...
Nous avons eu la Guerre froide pendant des décennies, les Balkans, nous en étions sortis, nous avons vécu côte à côte en Europe avec pour seule guerre, un virus riquiqui à combattre, deux ou trois excités religieux et quelques matchs de foot. On se croyait définitivement à l’abri de cette horreur depuis la dispersion de l’Empire soviétique au point que les jeunes générations ne savaient même plus qu’elle était possible, et voilà que l’ours russe ressort les griffes en roulant des mécaniques, fumantes et chenillées. La guerre, la vraie, la sordide, celle des bombes et du sang, frappe à nouveau à la porte de l’Europe, tous les relais de sa propagande et de la désinformation sont à l’œuvre, les cyberattaques se multiplient… Et en réaction, voilà que nous autres bisounours, voudrions calmer cette bête énorme en lui montrant nos jolies quenottes… Bref l’absurdité s’impose et la stupidité lui répond. Nous sommes risibles par rapport aux forces en présence, mais ce n’est pas une raison pour trembler. "Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint" nous prévient Montaigne par-dessus les siècles… Le bateau coule mais ne redoutons pas par avance la froideur de l’eau, trouvons en nous-même les ressources, fabriquons nous un radeau pour nous en sortir.
En 1952, le médecin Alain Bombard partit à la dérive des Îles Canaries à bord d'un bateau pneumatique, sans eau ni aucune nourriture, pour démontrer qu'un naufragé pouvait survivre grâce aux ressources de la mer et que c'est le désespoir qui tue. Deux mois plus tard, il touchera terre à La Barbade, après s’être nourri de poissons et de plancton et en s’abreuvant d’eau de mer, de jus de poisson et de confiance… Il a failli y passer après avoir perdu 25 kilos, mais son exploit a pris valeur d’exemple même si le plancton, c’est dégueulasse… quelle belle consolation pour tous nos malheurs à venir…
Mais nous n’avons que faire d'une consolation en forme de mot d'esprit : nous avons besoin d'une consolation qui illumine. Les temps deviennent obscurs et dans le noir, la moindre bougie est bienvenue. On finira toujours par s’en dégoter une : immanquablement, des intelligences se révèlent et des caractères s’imposent dans ce genre d’épreuve. Et en face, celui qui devient nuisible en s’autorisant la violence des armes, c'est-à-dire devenir quelqu’un qui agit comme si toutes les actions étaient également défendables, doit au moins avoir la bonté de le remarquer et d’en tenir compte. A terme, les chars n’ont jamais brisé la volonté collective des bisounounours qui plie mais surnage.