Page du 17 mars 2022, jour d'enfance enfouie...
Nous préservons tous tant bien que mal, avec plus ou moins de discrétion, un peu de l’enfant que nous étions… c’est notre part de naïveté et d’émerveillement, de fraîcheur et de spontanéité, de rire pour un rien et de pleurs quand le petit chat est mort. C’est vrai même pour les plus austères, les plus sévères, même pour les monstres, même pour Poutine qui joue à la guerre pour de vrai comme il jouait aux cosaques et aux voleurs. C’est aussi notre part de cruauté gratuite, celle des garnements qui arrachent les ailes aux mouches, c’est parfois une douleur, une blessure béante qui jamais ne se referme. Nous sommes tous restés de grands enfants, chacun à sa manière et ça ne s’arrange pas avec l’âge quand on retrouve les nounous et les couches-culottes. Et toute notre vie, on cohabite plus ou moins harmonieusement avec ce fantôme espiègle et farceur…
Si tu veux vivre gentiment parmi les autres en ayant conservé intact un esprit purement enfantin, prends donc un peu de bondieuserie, ça te fera du bien si tu n’en prends pas trop. Fais tes prières, suis les préceptes religieux et tout se passera bien tant que tu n’imposeras rien aux autres… Si tu es enfantin mais un chouïa plus raisonneur et picoleur, un tout petit peu moins naïf, identifie-toi donc à une star, à un sportif, à une équipe, à une idole : c'est toujours toi mais en plus grand, ce sera ta religion à toi et tu la gèreras à ta guise. Au pire, tu pourras toujours trouver refuge sur les gradins d’un stade de foot, roi des cons au Parc des Princes, insupportable supporter brandissant à tout va l'étendard de ceux qui un jour crurent exister, encourageant des milliardaires qui, comme les poètes, jouent avec leurs pieds.
Si tu es toujours autant enfantin mais que tu as ouvert les yeux en grand et si tu possèdes quelques capacités, devient donc scientifique : tu découvriras un terrain de jeu prodigieux. A priori, la Science te paraîtra rigoureuse, mais sache qu’elle n’a jamais été infaillible et quand elle faillit, c'est qu’elle a été mal appliquée ou qu’elle atteint ses limites comme le mur de Planck, la vitesse de la lumière ou le zéro absolu qui est la parfaite immobilité. Elle continue à faillir plus souvent qu’à son tour mais tu seras incapable d’y remédier, tes connaissances sont largement insuffisantes. Faute de pouvoir démonter la science et ses fondations tu crois donc en son pouvoir, en sa puissance alors qu'elle ne peut en réalité rien expliquer vraiment, elle ne sait que décrire les phénomènes, et ça, ça ne t'intéresse qu’occasionnellement. Elle peut régler des tas de détails dans le domaine technique, trivial… mais pas plus, et pourtant, elle est soi-disant, sensée tous nous sauver du réchauffement climatique, de la surpopulation, de notre voracité sans limite, de tout... Ne nous leurrons pas, la science n'est pas un bouclier contre les dangers futurs, elle est en premier lieu l'épée des capitaines d’industrie, celle qui découpe l’Amazone en allumettes et les baleines en sushis, celle qui pulvérise l’Ukraine ou le Yémen. On ne peut se fier à la science qu’avec prudence : il nous faudra dans le même temps combler ses vides et neutraliser ses dangers.
Tout cela est bien décevant, d’où la nécessité toujours exigeante et présente à notre époque comme depuis toujours, de réponses métaphysiques pour aller au-delà des apparences et espérer un véritable progrès de l’humanité. Moins de fusils, plus de guitares… La Science est trop incertaine et la Religion brute (- trop dogmatique, anti progressiste), n'est d’évidence pas plus à la hauteur que les footballeurs. Si l’on veut apporter des réponses aux questions éternelles, il ne nous restera que le pas de côté de l’art en général et de la poésie en particulier. L’art comme une bouée de secours, comme un signal d’alarme et la poésie pour que la joie demeure. Pendant ce temps, au lieu d’aider les poètes, nous fabriquons des armes, nous finançons des guerres et nous persistons à dupliquer de néo-énarques pour obtenir un maximum de rentabilité de tout ce qui est humain. Bonjour le progrès !