Page du 29 mars 2022, jour camouflé...
L’existence ressemble à une partie de cache-cache pour se fondre dans l’environnement ou en tout cas, pour y survivre quand il se dégrade… c’est valable pour les caméléons, mais aussi pour toutes les autres bestioles, même pour les plus hâbleurs, les "m’as-tu-vu"… mais ce n’est pas un jeu, nos vies en dépendent à nous autres, rois de l’esbroufe et du plastique. On se camoufle comme on peut derrière nos masques chirurgicaux qui se retrouvent dans l’océan, du coup, la majorité d’entre nous préfère esquiver, nier les vérités qui fâchent plutôt que de les affronter… l’indifférence est le meilleur remède contre le stress.
Les évolutions de nos tactiques de camouflage ne sont pas seulement physiques, nos comportements, eux-aussi, sont trompeurs. Mais nous ne sommes pas les seuls à nous planquer : le crabe-décorateur s’habille en fonction de l’habitat où il se trouve, il renouvelle sa garde-robe à chaque mue et se colle patiemment sur le scratch de son dos des algues vivantes qui vont prospérer. Il n’est pas né camouflé, c’est pour lui un vrai boulot de paysagiste. D’autres, au contraire, en rajoutent pour qu’on leur fiche la paix, ils se couvrent de livrées éclatantes pour informer du danger en indiquant leur toxicité et certains petits malins inoffensifs en profitent pour les imiter sans être obligés de se gaver d’insectes empoisonnés... c’est efficace, mais un mensonge reste un mensonge. Toutes nos ruses et stratégies sont à l’œuvre et une bonne partie de nos capacités s’investit dans notre fourberie. Nous n’avons rien inventé, nous sommes simplement plus complexes que nos cousins et du coup, nos mensonges ne sont pas toujours justifiés et certains sont carrément inutiles, mais ça ne nous dérange guère, nous avons fini par y croire.
La vérité, si malmenée c’est un peu comme la poésie… la lumière peut être éblouissante et douloureuse et du coup, nous sommes nombreux à chausser nos lunettes de soleil et à détester la poésie. On veut s’en tenir aux faits tangibles et en même temps, croire aux cours de la bourse… C'est ainsi que nous créons, dans l'illusoire, à partir de bases axiomatiques, un château funeste, qui est notre propre tombeau. Le facteur Cheval a passé toute sa vie pour un hurluberlu déjanté en bâtissant pierre après pierre son "Palais idéal" et son tombeau tarabiscoté. D’accord, son goût est discutable, mais lui au moins, a eu le courage de l’assumer et de le matérialiser… Gardons nos sarcasmes, nous sommes tous des caméléons, des crabes-décorateurs ou des facteurs Cheval qui s’ignorent… mais en plus feignants : nous bâclons le travail malhonnêtement et fort souvent, nous le déléguons…