Page du 26 janvier 2023, jour dans un fauteuil...
Chaque matin on dégouline comme des limaces en bas de son lit et dès que nous poussent des jambes, il faut nous mettre à courir… On s’active, on tape, on scie, on cloue, on participe plus ou moins à ce qu’on appelle le progrès… Notre activité transforme la matière pour la rendre utile et la connaissance que nous en avons est conditionnée en premier lieu par cette notion d'utilité. Si nos pieds et notre tête nous permettent de la découvrir, connaître une chose passe par la main : c'est savoir s'en servir.
Les handicapés en fauteuil roulant en savent quelque chose. Avant, ils avaient des chaises roulantes, maintenant, ce sont des fauteuils, ainsi tourne la roue. Que c’est beau le progrès… c’est une affaire qui marche. Bon, d’accord, ils ne marchent pas du même pas que le nôtre, mais leurs fauteuils leurs permettent de se déplacer et jusqu’à peu, c’étaient leurs mains qui les activaient. Ils ont besoin de ces fauteuils et en sont devenus dépendants mais c’est une contrainte qu’ils acceptent volontiers car ils trouvent ainsi une nouvelle puissance et cette nouvelle puissance leur permet de connaître un peu de bonheur... Dans cette modernité de plus en plus virtuelle qui fait de nous des héros de pacotille aux supers-pouvoirs d’achat, être handicapé ou non ne change plus grand-chose : cette puissance est un bonbon autant qu’un poison une fois qu’on y a goûtée. Même sans nous en rendre compte et même pour les plus timorés d’entre nous, nous sommes de plus en plus en recherche de puissance : on calcule que notre consommation moderne d’énergie met en action l’équivalent de plus de 400 esclaves d’antan par Français… Même l’handicapé qui ne bouge pas de chez lui utilisera l’équivalent de la force d’une centaine d’hommes dans sa vie de tous les jours rien que pour l’eau, l’électricité, le chauffage et se nourrir. Et pour les plus actifs d’entre nous, ce sera celles de plusieurs milliers…
Nous vivons dans la facilité des seigneurs d’antan et sûrement en meilleure santé. Avec le temps, tous nos efforts réunis pour nous lever le matin se sont donc trouvés valorisés et récompensés mais à l’image des handicapés, nous sommes tous devenus plus ou moins bioniques et dépendants des machines : nous ne pouvons plus rien faire seul (- ou presque) et cela n’ira pas en s’arrangeant même si des tranches des jeunes générations sont bien conscientes du danger et réagissent... Ces avancées numériques et technologiques ne sont que des béquilles, des membres artificiels et nous devenons dramatiquement, inexorablement, stupidement, esclaves de nos esclaves.