Le foisonnant Benjamin Franklin, dont le portrait de « père fondateur » orne depuis une éternité les billets de cent dollars, pensait sincèrement que le temps était de l’argent. En la circonstance il avait reformulé sous cette forme économique un précepte moral propre à son milieu puritain d’origine mais, si l’équation était concise, il n’avait rien inventé, les esclavagiste de tous poils l’avaient compris bien avant lui : c’est avant tout du temps des autres dont il s’agit. Son esprit curieux et matheux, un brin retors, avait calculé combien cela revenait d’aller perdre son temps à boire un coup...
Dans « Time out », réalisé en 2011 par Andrew Niccol, les secondes sont de l’or mais la vie ne vous fait pas de cadeau. On peut dire que ce film qui a eu son petit succès fera date : il prend au pied de la lettre l’assertion de Benjamin Franklin « le temps c’est de l’argent ». Les producteurs n’ont perdu ni leur temps, ni leur argent. Dans ce film dystopique, un crédit de temps vous restant à vivre vous est accordé en échange de votre travail et le décompte anxiogène apparaît sur votre avant-bras. Autant vous dire qu’il vous faudrait plus qu’une grippe pour vous porter pâle… Cette monnaie circule...
On avait déjà la télé mais si on y rajoute les tablettes et autres smartphones chronophages, les occasions de perdre son temps se multiplient et les nuits se raccourcissent. Il est donc salvateur pour notre santé d’aborder l’univers infini du temps perdu sous différentes modalités et pas seulement sous celle d’un vertige pascalien ou de cet effroi nauséeux du Roquentin de Sartre. Un très grand nombre d’entre nous est devenu dépendant de ces technologies et il lui est difficile de « vivre » le temps perdu et de considérer ce qu’il nous permet de découvrir comme si cela n’était pas terrifiant quand...
Ne rien faire est tout un art, tous les feignants, les chats et les yogis vous le diront. Ce n’est pas aussi simple qu’on le croit, c’est un peu comme ne penser à rien, essayez toujours… Cela nécessite un rapport au temps qui vous permet de vous extraire de vos habitudes et une ingéniosité au-dessus de la moyenne. Pour ne rien faire, il nous faut comprendre de quel temps l’on parle ainsi qu’une grande finesse liée à une sensibilité entraînée pour saisir tout un ensemble. Comprendre le temps en général et le sien en particulier n’est pas donné à tout le monde, n’est pas Proust qui veut : lui qui...
Page du 27 mai 2019 jour de concordance des temps.
On en fait toute une histoire, mais le temps n’existe pas en lui-même. Pour essayer de comprendre ce que j’entends par ce mot, je ne l’attaquerai pas de front, je prendrai des chemins de traverse et m’intéresserai aux différents temps qui s’y déploient : le présent, le passé (- et c’est tout puisque le futur n’existe pas de manière certaine même s’il se montre très présent et nous préoccupe une bonne partie de notre vi e). Les temps anciens sont la plupart du temps légendaires et tout à fait irréels ou faits de souvenirs d’enfance magnifiés ou bien remplis par un être cher qui a disparu, ils peuvent...
Avec les indiens d’Amazonie qui voient leur forêt se réduire comme peau de chagrin et nous maudissent à juste titre ou les îliens peu commodes des Sentinelles au large de l’Inde, on a à faire à des gens qui se trouvent placés par les hasards de la géographie en dehors de notre Histoire, mais qu’en est-il de ceux qui le font volontairement ou qui au contraire se retrouvent trop dans l’histoire ? Tout près de Cannes, à quelques encablures de la Croisette avec son festival effervescent, ses stars, ses strass, ses flashs et ses paillettes, mais très loin de la montée des marches, du ballet incessant...
Samedi 25 mai 2030… 600 ème épisode des Gilets Jaunes… Je peste contre les limitations à 10 km/h, contre les feux rouges de 4 minutes, contre l’électricité trop chère, contre les Flash-Balls supersoniques, je balance de plus en plus fort ma pantoufle contre la télé… entre énervement et colère, je ne sais toujours pas quoi choisir… C’est de l’histoire ancienne, mais déjà en 2007, lors d’un débat présidentiel d’entre deux tours face au trublion Sarkozy qui lui répétait sans cesse qu’elle était énervée, Ségolène Royale, les joues rouges, crut bon de préciser : « Je ne m’énerve pas ! Je suis en colère...
Peut-on être libre de mentir ? Il se passe un tas de choses autour de nous et nous participons à certaines d’entre elles. Au départ, il y a des faits et l’on se souvient de quelques-uns et donc tout de suite après se pose la question de la valeur des lois mémorielles pour lesquelles luttent certaines associations comme « Liberté pour l’histoire » menée par Pierre Nora. Elles contestent à l’État le rôle de dire ce qu’est l’histoire officielle ; quels sont, par exemple, les bienfaits de la colonisation, ou bien « ceci est un génocide mais cela ne l’est pas ». Le révisionnisme est devenu criminel...
Des noms, des lieux, circulent dans la mémoire collective, se heurtent aux parois, rebondissent à l’intérieur des crânes. En vrac, comme ça vient, à la Prévert… Panama, Emprunts russes, Affaire Stavisky, Pasqua, avions renifleurs, Ben Barka, Marcovic, De Broglie, diamants de Bokassa, Société Générale, écoutes de l’Elysée, otages du Liban, Pasqua, Carrefour du Développement, Circuit de Magny-Cours, Escota, Rainbow Warior, UTA, Urba, Botton, Cogédim, Pasqua, emplois fictifs de la mairie de Paris, frégates d’Arabie Saoudite ou de Taïwan, sous-marins du Pakistan, HLM de Paris, des Hautes-Seine, Malik...
Il y a tellement d’avantages à mentir sur le passé pour justifier le présent que tout pouvoir est tenté, même le plus vertueux. Bien sûr, s’ils s’en aperçoivent les gens s’en offusquent et hurlent comme sur le bûcher, mais en général, le mal est fait et le profit engrangé. On s’imagine trop souvent que ces pratiques sont révolues mais qu’a donc de si extraordinaire la photo trafiquée du deuxième anniversaire de la Révolution bolchevique par rapport aux travailleurs binaires sur les documents actuels ? Il est devenu si facile de bidouiller les documents que nous mettons systématiquement en doute...
Les nez s’allongent, le mensonge est partout ; il fait partie du paysage médiatique où nous sommes immergés. Il est dans la bouche de Trump et de ses clones, il dévale les marches des tribunaux dans les propos des avocats, il roule sur les pelouses et hurle à l’assassinat avec nos footballeurs ; toute image est devenue suspecte… En ces temps où le mensonge est devenu un argument politique aussi ordinaire que les autres, de nombreux chefs d’Etats de par le monde prônent tranquillement l’abandon de l’Histoire et nous invitent à l’oubli afin de passer à autre chose. Ils commencent à relever le menton...
On se fait toujours des idées sur ce que l’on ne connaît pas et en général, ces idées sont reçues et éculées. En 2007, Sarkozy, notre hyper-président de l’époque, fit un discours controversé à Dakar, en tout cas, il pondit une cagade diplomatique. En parlant de l’Afrique, il affirma du haut de ses talonnettes: « Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne, mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir, jamais il ne lui vient à l’idée de...
On se trimbale le passé de la vieille Europe, il est pesant, lourd de sens et de cadavres. Nous le tirons comme un boulet en boitant bas… Mais comme il est aisé de critiquer et si difficile de construire… Qui se moque des boiteux ferait mieux de se regarder marcher… Une autre leçon à tirer de ce douloureux passé est que, comme l’historien le fait, nous devons sans cesse nous demander ce que nous faisons. Où sommes-nous situés ? Quelle distance avons-nous avec l’objet que nous regardons ? Quelle relation avons-nous avec notre présent ? J’aime bien les historiens parce qu’ils se posent de bonnes...
Exposition "Vie Nouvelle" de 1942
« L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! »… De Gaule était méfiant. Pourquoi ? Rien de gratuit ou d’épidermique chez cet homme… Le premier intérêt de l’Histoire, c’est de nous aider à comprendre comment nous sommes parvenus à la situation actuelle et comment remédier à nos maux. Nous allons assister à la pantalonnade des candidatures à la députation européenne. Chacun va y aller de son credo du plus farfelu au plus cynique. Le spectacle est assuré, à chacun de se faire sa petite idée. L’Europe, cette belle idée, est devenue un immense centre commercial sous les coups...
Il est aisé de critiquer et très facile de juger mais mieux vaut parfois balayer devant sa porte… Le fait d’être quelqu’un comme tout le monde plongé et situé dans son époque (- comme le relevait Raymond Aaron) pose problème à l’historien ; s’y ajoute dorénavant le conflit ouvert entre la science et la nescience, c’est-à-dire, entre les interprètes du savoir et le refus du savoir ou ici, de l’histoire, au profit d’une histoire légendaire, mythologique, fantasmagorique qui fut le fonds de commerce de l’idéologie nazie au 20 ème siècle et d’à peu près toutes les religions sous toutes les latitudes...
Curieux matériau que le temps…L’histoire est une discipline qui a pris tout son temps. Elle s’est constituée de longue date, progressivement. Elle repose essentiellement sur les traces écrites sensées être plus riches, plus fiables que la tradition orale et moins sujettes à variations. Une discipline ne peut se constituer uniquement sur la simple base de supposées certitudes, d’évidences qui sautent aux yeux. Quand on se doute que tout est relatif, on évite l’arrogance, les affirmations catégoriques ou les dogmes tombés du ciel. On croise au maximum ces informations si l’on veut conserver une petite...
A part les bambins, peu de personnes aiment qu’on leur raconte des histoires. On est bien trop souvent pris pour des gogos par ceux qui nous dirigent ou nous informent. Parmi ceux qui nous aident « honnêtement » à nous représenter le monde, les historiens ont toute ma compassion. Leur métier est impossible : ils sont tenus à restituer objectivement la « réalité » passée en dépit de ce qu’ils sont… Quadratures et multiples cercles ! Quand on tente de s’imaginer la multitude buissonnante d’interactions, la montagne de conditions pour que se produise le moindre micro-événement comme par exemple le...
Pendant une petite année scolaire en classe de Terminale, on a voulu m’apprendre à « philosopher » et même m’« apprendre à penser » ; c’était un peu tard et je n’ai guère adhéré au projet : j’ai compris d’emblée que c’était une arnaque et j’y ai mis tout le mauvais esprit dont j’étais capable. Les autres font ce qu’ils veulent ou ce qu’ils peuvent mais pour ma part, je ne peux pas philosopher le réel, je l’éprouve ou le conceptualise, pas les deux à la fois ou du moins, pas en même temps. Tout simplement parce que je ne trouve aucune passerelle, aucun lien de continuité entre le réel et les abstractions...
L’intuition, c’est génial : la compréhension vous parvient sans effort, toute cuite dans la bouche. Qui n’aime pas se considérer comme intuitif ? Comme doué pour « sentir » les choses, les situations, les gens ?… Moi-même je m’y plais… Comme tout un chacun, quand j'ai l'intuition que quelque chose ne peut qu'être vrai, quand je suis incapable d'invalider une hypothèse, quand la ou les propositions opposées m'apparaissent comme absurdes, cela suffit généralement à me garantir que cette hypothèse est vraie. De plus, mes tendances libertaires me refusent la rigueur des scientifiques. D’ailleurs la...
Quelle que soit l’époque où l’on naît, on a tendance à se croire les plus malins et à prendre nos ancêtres pour des personnes sympathiques mais un peu simplettes, en tous cas, totalement hors du coup. Mais, assistés que nous sommes, pour faire ce qu’ils ont réalisé, il leur a fallu des qualités que nous avons pour la plupart perdues... A l’opposé, certains hurluberlus, parce qu’ils prennent au mot un vieux bouquin plusieurs fois millénaires, continuent à penser que la terre est plate et que Magellan était un gros mytho… Contrairement au mythe et aux idées reçues, on savait déjà depuis longtemps...
Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es. Notre société marche sur la tête mais ce n’est pas grave, nous fonçons droit dans le mur. Nous avons en général assez de pain mais nous sommes saturés par les jeux du cirque. Nous préférons suivre des gourous plutôt que les savants dont nous nous gaussons. « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt »… Par manque de recul et d’effort, la pensée magique continue à prospérer même en plein 21 ème siècle et ce n’est pas demain la veille de sa disparition au vu des conversions à certaines religions rétrogrades. Elle permet d’apporter des réponses...
Merci à Morris pour tous les bons moments passés en compagnie de son Lucky Luke.
La science l’affirme : à part Lucky Luke, rien ne dépasse la vitesse de la lumière. Le bon sens accoudé au bar demande « et pourquoi donc ? », la Science répond « parce que c’est impossible » , parce que sinon, notre univers ne serait pas tel qu’il est, Pi serait un entier, 9 serait premier, l'hypothèse du continu serait fausse. Quoi d'autre ? Le théorème de Fermat ne tiendrait pas debout, tout réel serait positif, on aurait P = NP, et, par hasard, je me mettrais à dire des choses intelligentes voire ironique comme...
On lance ses trois dés sur le bar en jouant au 421 et si on ne triche pas, ils retombent au hasard, mais si tous les paramètres étaient pris en compte, on pourrait prédire sur quelles faces ils vont tomber. Avant de répondre à une question que nous pose le monde, au lieu de ne se fier qu’aux apparences et à son flair, il convient de donner un sens aux choses ou une valeur, de se doter d’une manière pertinente de mesurer, d'évaluer ce monde. Est-ce une question d'éducation que de se dire qu'il y a forcément un envers à tout endroit ? C'est la logique qui parle, et la sensibilité qui permet d’imaginer...
A part quelques dandys snobinards qui mangent et dorment devant leur miroir ou quelques évaporées couvertes de paillettes, tout le monde déteste les apparences ou du moins s’en méfie, et s’il est parfois nécessaire de le répéter devant ceux qui les dédaignent avec un grand mépris, c’est pour cela précisément : parce qu’ils les dédaignent et qu’ils sont méprisants… Il en faut pour tous les goûts et un peu de compréhension ne fait jamais de mal d’autant plus qu’on n’a qu’une vie et que la rendre jolie n’est pas un crime. Je connais de vieilles bagnoles dont la peinture refaite tient la carrosserie....
Tu débarques dans ce monde tout nu et tout mignon et quand tu parviens à demander où tu es on te répond : « Tu es dans l’univers » et si tu as la folie de demander d’où il vient cet univers on t’assène « Dieu l’a créé. Il est là et puis c’est tout ». On peut s’imaginer tout ce qu’on veut, mais l’univers est bel et bien là effectivement, perceptible, mesurable. Il est fort possible qu’il ne soit pas tel qu’il nous paraît et même, il n’est pas impossible que de multiples univers viennent s’y entremêler en douce sans que l’on s’en aperçoive (- ce qui expliquerait pas mal de phénomènes énigmatiques)...
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