Les conditions n’étaient pas toujours idéales, mais nous avons évolué tranquillement pendant des siècles, des millénaires, sans trop nous poser de questions tant les choses semblaient aller lentement et d’elles-mêmes. Nous étions, jusqu’à il y a peu, asservis au passé, les œillères de préjugés ancestraux rendaient difficile un regard neuf. Il était par contre aisé de s’adapter à un monde immuable, rétif, étroit où vivait, hier encore, le gros de l’humanité. Tout était à notre échelle : une tribu restreinte, une liberté relative, peu de monde, encore moins d’objets, ceux-ci sans agrément particulier...
Nous nous compliquons la vie à loisir, mais le problème, ce n’est pas la vie, c’est nous. Nous grattons la terre, creusons des puits, abattons des arbres, éliminons toute forme de vie pour engraisser des bestiaux à la chaîne dans des centres de torture industriels, nous accumulons des continents d’ordures dans nos océans. L’homme est bien plus un problème qu’une solution. Le mal couve en lui comme le feu sous la cendre. Il ne s’agit plus de conserver quoi que ce soit, ni même de mettre en conserve le conservatisme, mais d’y aller mollo. Nous entassons des résidus à l’infini, le tas gonfle (- je...
Depuis que le monde est monde et que nous sommes là pour nous en apercevoir, les jours succèdent aux jours dans un mouvement tourbillonnant entre les galaxies. Et toutes les sphères gravitent allègrement et sans fatigue autour de nos nombrils étonnés mais ravis. Nous en avons profité pendant des millénaires et des millénaires pour cultiver nos champs de connaissance avec les deux pieds dans nos gros sabots, bien plantés dans la glèbe. Il n’y a pas si longtemps que ça, la vie était simple comme la terre, l’eau, la lune ou le soleil. Nous avions nos massues pleines d’échardes, nos saines guerres...
Il en fallut des générations et des générations pour que l'homme réussisse enfin à casser des cailloux sans se taper sur les doigts. Il put alors se bricoler ses outils sans avoir à jurer mais entre temps le langage ordurier d’Homo Invectivus s’était développé plus vite que son habileté. Pendant qu’il jurait comme un futur charretier, avaient disparu les fabuleux artistes qui, en étalant avec des rognures d'ongles des crottes de nez fraîches sur la paroi soigneusement lissée de leurs cavernes crayeuses, peignaient d'admirables fresques certes naïves, mais carrément géniales. L'Homo Sapiens actuel...
La connerie et l’égoïsme sont les piliers de notre système. Si le "marché" génère des profits privés (- et quelques retombées publiques), à l’image de ceux de Provence il laisse derrière lui des monceaux d’ordures qu’il revient aux braves cons de balayer. Ce qui est possible localement ne l’est pas pour les dégâts irréversibles commis au niveau de la planète. Le marché s’en bat l’œil… Cette absurdité ne fut pas toujours la règle mais si au cours de l'évolution de l’espèce humaine la connerie (- qui n’est pas qu’affaire d’intelligence) a eu la fortune que l'on constate, nul doute que, "in the struggle...
Aïe ! Ça pique… j’ai du sable dans les yeux… C’est idiot de les ouvrir quand le vent souffle en tempête… Si l’on en croît les Shadock, "la plus grave maladie du cerveau c'est de réfléchir "… pompons !… La pire des tortures sera toujours un regard lucide sur le monde. Âmes sensibles s’abstenir. L’illusion, ce n’est pas fait que pour les enfants et les campagnes électorales, mais n’est pas rêveur lucide qui veut. C’est vrai qu’ouvrir les yeux, être lucide et le rester n’est pas une sinécure, d’ailleurs, la plus part du temps, je préfère mon statut d’abruti, aveugle et sourd comme un pot. Le monde...
Adieu l'ami...
Variations temporelles (dessert et chantilly) Je me rêvais marin, je n'ai pas d'océan Je m’croyais écrivain, je sonde le néant. Je flotte sombrement sur la mer platitude… S’estimant les plus fortes, mes sordides habitudes Me distillent à nouveau leur lancinant refrain : "Tu n'es qu'insignifiance, en fait, terrien, t’es rien." Me faut-il accepter que la Mort et le Temps Piétinent ce jardin que je laisse en partant ? Mais c'est ma vie, ses fleurs et ses buissons de ronces Que l'oubli insidieux corrompt et défonce ! Le Temps est ce passant cruel et solennel Qui s’avance décidé en traînant...
Photo au crédit d'Arno Rafael Minkkine.
Variations temporelles (plat principal) Je me croyais rêveur, et me voici mourant Je me voulais semeur mais je n’ai plus de champ Puis Morgane m'a dit : "Moi, je sais un vallon, Qui se voile de brume, en l'île d'Avalon Si tu bois de mon philtre, tu sauras que les rêves Parent de quelques joies vos histoires si brèves. Tu verras que d'écrire est un doux élixir Quand Polymnie s'amuse à te faire souffrir Puis doucement s'approche et souffle à ton oreille Ces mots si farouches qui soudain t’émerveillent." Et du coup la grisaille s'est vite dissipée Comme s’ouvre...
Mortel clocher...
Variations temporelles (entrée) Je me croyais seigneur et me voici mendiant Je me voulais vainqueur et me voici sanglant Une voix de basse m'a dit : "va, va dans une église Là-bas tu trouveras notre terre promise Tu laveras les tares de ta vie de zonard Va, sans perdre de temps car il n'est pas trop tard" J'y ai vu, en entrant, les ors du baptistère Et des statues drapées d'un antique mystère Et la croix qui veillait sur le lieu solennel Et puis ces quelques fleurs embellissant l'autel. Tremblant de n’être rien sous cette nef immense Je prie Dieu à témoin, implorai sa clémence...
Variations temporelles (amuse-bouche) - Elle est retrouvée. - Quoi ? - L'Éternité. C'est la mer mêlée au soleil. Le poète est maudit, ses mots vibrent encore Et clament haut et fort le plomb de notre sort Et comment, plein d'ardeur, nous brûlons notre enfance Puis mourons plein d'aigreur, et d'amère méfiance. Qui saurait de nos vies démêler l'écheveau Et trouver sous ce ciel, quelque chose de nouveau ? Tout fut dit et fut fait, déjà en ce bas monde Avant même d’entrer dans l'éternelle ronde. Une voix m'a enjoint : "Joue sans faillir ton rôle Année après année, sans courber les épaules. Tu seras...
Il est très ambitieux de s’attaquer au temps, c’est un problème bien trop ardu (- en tout cas pour moi) : son mystère n’a d’égal que celui de la Création et de son existence, il est insondable autant que le mot "Dieu". Parfois, je suis tenté de les assimiler dans un shaker cosmique. Le temps deviendrait alors cause primale et non effet, il serait à la fois l’énergie, le moteur et le pilote (- comme un cycliste pédalant entre les univers). En tout cas, ce serait le matériau principal pour la bonne marche de ce qui existe. Promouvoir Chronos en "Grand Patron" est une construction amusante à élaborer,...
Seul, tout seul, il avait désappris à parler, le vieux. Il n’avait besoin de personne pour être tout seul. Courbé vers cette terre qui l'avait nourri pendant près de quatre-vingts ans, Il attendait pour lui rendre ses dons... Il prenait tout son temps en vers et contre tous… J'ai vécu entre les heures, négligeant les clochers Qui battaient au cœur des villes comme on berce un enfant. J'ai remonté les torrents jusqu'aux cimes enneigées Pour ne découvrir là-haut que rocaille et vide blanc. Il me fallut rejoindre la vallée aux chaudes larmes Et renouer une à une mes racines amputées En abandonnant...
Seul, tout seul dans les hauts, sans même un dernier chien, il avait désappris à parler, le vieux et il y avait bien longtemps que ses doigts gourds ne savaient plus tenir un crayon. Seuls quelques rares coups de klaxons étouffés, le passage d’un hélicoptère ou les traînées d’avions lui rappelaient que le monde existait encore. Il n’avait besoin de personne pour être tout seul. Courbé vers cette terre qui l'avait nourri pendant près de quatre-vingts ans, il attendait sous un ciel lisse comme une pierre de lavoir... Ses yeux noyés de lumière, de brouillard d’hiver ou de vent qui pique selon les...
Quelle misérable consolation que de me dire que le temps n'enrichit que ces parasites de Suisses avec leurs coucous et leurs intérêts compensés. Et ce n'est pas une consolation du tout de me dire que rien de ce qui est humain ne dure. Ce n’est pas facile à avaler encore moins à digérer. C’est que le temps est un trésor, il nous est limité et donc précieux ; donner de son temps est le plus beau des cadeaux que l’on puisse faire aux autres même s’il ne coûte rien de donner l’heure. Je suis pénible et ce que je vous impose est inhumain : je suis manifestement le genre de type qui, quand tu lui demandes...
Quand je considère la petite durée de ma vie, coincée entre l'éternité précédente et celle qui suivra, le petit espace que je remplis et même que je vois, abîmé dans l'infinie immensité des espaces que j'ignore et qui m'ignorent d’avantage encore, je m’émerveille, m'effraie et m'étonne de me voir ici plutôt que là, car il n'y a là point de raison. Et de plus, pourquoi à présent plutôt que lors ? Qu’est-ce qui a bien pu m'y déposer ? Qui ou Quoi ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? On peut très bien vivre sans foi ni loi, mais dès qu’on se risque à saisir de l’épineuse question éthique et à vivre...
Bye-bye les années-lumière! Bonjour raideurs et tremblements, je piétine des débris d'étoiles... je marche sur du verre... tel la geisha égayant de ses petits pas ce peu de temps qui passe, ce peu d'espace qui pense. (- Vous me voyez en geisha à la délicatesse d’une fleur et à la souplesse d’un saule ? Tableau vraiment touchant...). En fait, je suis en pétard mais un peu tard. Depuis quelques temps j’ai bien trop mal à la hanche pour grimper sur mon vélo ou les autres quadrupèdes, je ne sais plus monter que sur mes grands chevaux. Mais il y a de quoi ! Quand vous sentez que la descente au sous-sol...
Hache et scie Peine et sueur Longue patience et… Et crac ! Chute sans fin Bruits et poussière Remue-ménage dans le sous-bois Le géant est à terre… Coupe franche et nette A vif, encore humide Au centre de la cible cerné par l’aubier Saisons après saisons Le temps d’une vie Le temps comme une ronde dans une cour d’école Ondes des pierres sur l’étang Au bout d’une main de gosse… Tout comme nous L’arbre replie le temps Autour d’un jeu d’enfant Peau ou écorce, sève ou sang C’est de la tendresse qui bourdonne De l’amour qui s’enroule Et que la hache abat
Pour vivre heureux, vivons heureux (- et éventuellement, avec l’âge, vivons cachet)… On est tous un brin parano, on le sait, on est prévenu mais ce n’est pas pour rien, même le plus parano d’entre nous a un véritable ennemi : le temps. Le bonheur de l’allumette s’attend toujours à son extinction, on s’attend toujours à ce qu’on nous en prive, c’est comme ça le bonheur… mais les moments délicieux de son approche ne pourront jamais nous être enlevés et ces instants sont ce qui peut nous arriver de mieux dans la vie. Encore faut-il y être attentif et sensible. L’attente, c’est comme le souffle et...
Que ce soit pour nos études, nos affaires, notre travail, nos activités artistiques, nos amours, bref, notre vie sous tous ses aspects, nous vivons de projets, d’attentes et d’inquiétudes. Notre vie s’accompagne de réalisations plus ou moins difficiles, plus ou moins heureuses mais correspondant à des efforts souvent pénibles et pourtant "librement" consentis. Et de temps à autres, la réussite est au bout du chemin… et c’est là que le danger nous guette. La tristesse du bonheur (- le vide après un long effort, le babyblues, le spleen post-coïtum), ce n’est pas réservé qu’aux chiens dans la rue...
On a le droit à l’ambition en se fixant des buts élevés et rien ne vous empêche de vivre vos passions à fond mais si ce que j’attends me fascine au point d’effacer tout le reste, si mes objectifs prennent le pas sur l’amour et l’amitié en m’excommuniant des autres, s’ils me coupent du présent, me le rendent indifférent, je ne vois que deux formes de l’attente pour me délivrer de sa douleur, de sa mélancolie, de la solitude de mon moi profond. En premier lieu, l’attente prend la forme d’un écrin où préserver ce que nous avons de plus précieux : elle est d’abord l’attente de transfuser notre vie...
Parfois, lorsque je lâche prise devant un programme de télé soporifique, lorsque je baisse la garde et laisse vaquer mes ébauches d’idées, lorsqu’elles deviennent confuses, aberrantes et sans suite, j’éprouve un fort sentiment d’empathie avec les huîtres et les moules. La conscience (- en tout cas la mienne) varie manifestement selon les instants tout comme ce qui me sert d’intelligence. Elle me met plus ou moins à distance de moi-même (- une curieuse dualité provenant bizarrement de mon unité) ce qui me permet de me regarder plus ou moins percevoir, ressentir, penser, agir. Elle est faite de temps...