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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 13 juillet 2018 jour du créationisme

Denis Vallier

      Ce que dit Darwin n’est pas un prêche, ce n’est pas audible dans la mesure où on prend comme une recommandation ce qui pour lui est un constat. Le malentendu vient de là. Et depuis les hauts-cris des créationnistes se succèdent jusqu’au dernier en date, sans doute le plus intéressant, dans les six kilos du luxueux Atlas de la Création d’Adnan Oktar, alias Harun Yahya, qui ont submergé les écoles américaines et européennes au nom de l’Islam vers 2007. Tant d’argent évaporé quand les besoins sont si criants… manifestement, ceux qui étaient derrière ce projet voulait s’attaquer en priorité à ce qu’ils craignent le plus… À l’image du Coran, c’est un ouvrage d’une grande beauté malgré son indigence. Les photos du vivant y sont remarquables même si certaines prêtent à sourire : pour justifier qu’il n’y a pas eu d’évolution depuis les fossiles jusqu’à nos jours, trois photos de leurres avec leur hameçon sont venues s’égarer illustrant l’art de leurrer plus que le propos. En utilisant des propos apparemment scientifique qui feraient éclater de rire un enfant passionné de paléontologie, cet ouvrage de propagande prêche avant tout aux convaincus afin de renforcer leur croyance. C’est aisé tant le vivant est d’une extraordinaire beauté dans sa complexité, dans l’emboitement de chaque organe, tant ces merveilles semblent avérer un dessein intelligent derrière tout ça. Tout semble avoir été si bien calculé qu’il est difficile de ne pas voir là, sous nos yeux, la réalisation d’un projet divin. Comment croire que cette infinie et incompréhensible diversité ait simplement pu émerger par des métamorphoses spontanées ?

      Il n’est pas évident de passer d’une croyance bien ancrée à une explication scientifique qui fait fi des apparences. Si, comme Lucrèce, on envisage que tout le vivant ait pu émerger par associations aléatoires, comment se fait-il que chaque être vivant soit si bien adapté à son environnement, que les ours soient blancs sur la banquise et bruns dans les forêts ? Comment le hasard peut-il répéter en si grand nombre cette adaptation extraordinaire sans envisager une sélection ? Le nombre des générations et des mutations nécessaires pour obtenir le résultat actuel échappe à notre représentation. Elles se produisent sur une échelle de temps si invraisemblable qu’il n’y a rien d’étonnant à se demander si l’adaptation est un hasard ou bien une finalité. N’en déplaise à notre « bon sens » les apparences sont souvent trompeuses : si l’on reste en surface des choses on se fait berner par les tours de magie de notre imagination.

Non merci...

Non merci...

      Heureusement, les bonnes idées ont souvent la vie dure, elles font leur chemin inexorablement comme l’eau qui finit toujours par passer sous les digues les plus épaisses. L’idée de Darwin ne s’est pas faite en un jour. Il a caché sa découverte pendant vingt ans confinée dans ses carnets  afin d’approfondir son travail et de le présenter de manière irréfutable car il risquait gros avant de se voir obligé de l’exposer dans l’urgence à cause d’un autre explorateur avant-gardiste, Alfred Russel Wallace parvenu aux mêmes conclusions. Il a failli lui voler la primeur. « Toute mon originalité va être perdue » a pleurniché Darwin. Vingt ans de gestation, c’est long mais déjà, bien longtemps auparavant, Spinoza, avait expliqué que s’imaginer que les choses ont une intention n’est qu’une manière d’exporter notre propre rapport au monde. Et il y a très très longtemps, Lucrèce nous prévenait qu’il ne fallait pas commettre l’erreur de croire que les yeux nous ont été donnés pour voir : c’est lorsque l’organe est apparu que la vision fut possible et les illusions aussi. Une nouveauté émerge et c’est une fois qu’elle est là que ses avantages nous favorisent ou non. Nous descendons de générations de gagnants au loto, à nous de faire bon usage de ces heureux hasards mais il n’y a malheureusement pas pire aveugle que celui qui refuse de voir…

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