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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 2 janvier 2024, jour de vérité actualisée.

Denis Vallier
(Photo d'Alex Howitt)

(Photo d'Alex Howitt)

Et allez ! Le train des années défile de plus en plus vite. Une de plus au compteur même si c’était une année sereine et joyeuse malgré les malheurs du monde. Ça commence à faire beaucoup… Le seul problème, c’est que plus ça va, plus je me sens en dehors du coup avec la désagréable impression de rater le train chaque matin, de me faire larguer, exclure… Est-ce que c’est ça vieillir ?  En tout cas, le monde va beaucoup trop vite pour mon arthrose et mes rhumatismes, je n’arrive plus à le suivre. Ce qui me travaille dans cette affaire, c’est que je ne sais pas si c’est le monde qui avance ou moi qui recule. J’ai pourtant la forte impression d’être toujours le même, d’avoir le même regard, les mêmes réactions, d’éprouver les mêmes émotions, d’avoir le même rapport avec la réalité, de rester fidèle à la vérité… mais j’ai de plus en plus la sensation que le réel s’échappe, qu’il me fuit, que ma vie est un rêve. Si je suis dans un rêve, dites-moi, c’est le rêve de qui ? Qui rase le barbier ?

Ce qui me trouble le plus dans l’évolution du milieu n’est pas d’ordre climatique : c’est notre rapport à la vérité car elle touche à ma liberté. Pris la main dans le sac, que ce soit un môme de quatre ans, un rappeur saturé de cocaïne ou un chef d’Etat, ils vont nier l’évidence comme un dealer du 9-3. La vérité dans ce monde n’est plus ce qu’elle était, elle est même devenue "alternative" et ça, ça me dépasse : plus que jamais, c’est "à chacun sa vérité". Or, nous sommes à l’image des promesses et des paroles que nous tenons. Il faut bien que je l’admette, pour être vieux, je suis vieux mais quand même pas au point de dater de l’époque des anciens Grecs. Platon et Socrate en tête, ils plaçaient la vérité tout là-haut, à l’étage, du côté des dieux. Les artisans, eux, avaient les pieds sur terre et œuvraient au niveau du rez-de-chaussée en commerçant avec les dieux à l’occasion tandis qu’au troisième sous-sol, dans les profondeurs obscures, les poètes de mon acabit et autres pseudos artistes travaillaient à la lanterne dans l’imitation, l’émotion, l’illusion qu’ils tentaient de communiquer aux autres difficilement. Mais il ne fallait surtout pas leur faire confiance, vous pensez bien…

De nos jours, les artistes et les bonimenteurs occupent le devant de la scène en brûlant la vedette aux scientifiques mais il n’y a toujours pas plus de raison de les croire sur parole : si certains sont talentueux et sincères d’autres le sont bien moins. Je suis sans doute un peu fêlé, mais croyez-moi, méfiez-vous toujours de ceux qui vous disent croyez-moi !… Par exemple, croyez-vous que je suis sincère quand je vous dis que je suis un menteur qui dit toujours la vérité ? Est-ce ma faute si de nos jours la vérité change en permanence et fait des vieilles vérités de nouveaux mensonges ? Platon l’avait déjà compris et se proposa d’indexer le travail et l’art du poète sur une autre ambition que l’art lui-même : pour être admis dans la cité, le poète devait être l’un de ceux qui sont en charge du "vrai" à communiquer mais s’il est un rebelle, s’il n’a pas l’esprit collabo, lorsqu’il manque à cette tâche politique, cardinale, il doit être censuré, exclu. La censure commence quand on force l’art à ne pas être que de l’art, quand on lui demande une utilité philosophique, voire politique, publicitaire ou pratique comme ce fut le cas au-dessus des vespasiennes romaines. De nos jours on nous recommande plutôt de ne pas confondre la Rome antique avec l’odeur du vieux café… (- veuillez m’excuser, euh, passons…)

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Commentaires
P
On dit : le rhum antique et l'odeur du vieux café.
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D
Dans mon idée c'était plutôt l'arôme antique et l'odeur du vieux qu'a fait...