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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 22 octobre 2023, jour déconstruit...

Denis Vallier
(Photo de Roland Barthes au tableau blanc)

(Photo de Roland Barthes au tableau blanc)

"Au tournant de ma vie, je m’égarai dans une forêt obscure…" Pour qui a lu la Divine Comédie de Dante, la question de savoir où l’on va ne se pose plus : on retrouve tous les signes précurseurs d’une descente aux enfers. Vous ouvrez votre journal, votre radio, ou en grand votre Windows ou un écran quelconque et vous vous retrouvez submergé par un flot continu de catastrophes, de guerre, de sang, de haine et de violence. Des chaînes d’information privées s’approprient les ondes appartenant à tout le monde pour nous infliger en continu leur propagande grossière, leur racisme désinhibé, leur rejet de nos plus belles valeurs humanitaires et même, pour certaines, leurs croyances religieuses politiquement orientées. Il est vraiment étrange ce monde médiatique où des informations particulièrement atroces sont interrompues par des publicités pour des voitures féériques, des parfums irrésistibles ou des sous-vêtements antifuites… Bref, il y a des signes qui ne trompent pas, je ne sais pas si c’est moi ou le monde, mais il y a au moins un des deux qui ne tourne pas rond et si, parmi mes connaissances, je peux trouver un peu d’aide quelque part, je ne cracherai pas dessus.

Roland Barthes, sensible aux signes et aux symboles, en serait tombé de sa chaise devant tant de décrépitude mais il aurait mixé tout ça en en tirant leçon... Il mérite qu’on s’intéresse à lui car si son regard était doux, sa vision était profonde et inspirée. Pour ceux qui ne le connaissent pas ou peu, laissez-moi vous présenter cet homme surprenant : critique littéraire et sémiologue émérite, homosexuel notoire à l’œdipe effervescent et audacieusement assumé pour l’époque (- ce qui lui a attiré pas mal de complications), homme sensible et plein de charme, qui s’est attaqué de manière originale à ce qui lui pourrissait la vie : entre autres, la mainmise de la bourgeoisie sur nos mode de pensée et donc, la doxa et donc les signes, notre mythologie, nos représentations… Dans les années 50-60, les intellectuels français étaient comme souvent malheureux, ils détestaient leur pays qu’ils estimaient sali par le colonialisme et il en était un exemplaire remarquable. Tout était bien plus simple qu’actuellement : la France était alors divisée entre une petite bourgeoisie mesquine et un marxisme de plomb tonitruant. De nos jours, les bourgeois se sont fait dévorer par la finance et être marxiste est devenu une insulte… Pourtant, paradoxalement, Marx est à nouveau considéré comme le meilleur analyste du capitalisme que la Terre ait porté par quelques cravatés de la City de Londres : comme quoi, il est toujours possible d’en tirer leçon…

Barthes était marxiste à sa manière : à ses yeux toujours aussi doux, l’homme n’est plus aliéné à la nature comme pour Marx, mais à la société et ce n’est pas la même chanson. Pour lui, l’illusion, la mythification, l’idéologie ne sont non pas dans la conscience de tout un chacun, mais dans les choses, dans les objets eux-mêmes, dans le langage, parce que les choses qui nous touchent de près au quotidien, que nous avons achetées et que nous finissons par aimer, ne sont jamais en prise directe mais sont parasitées par le mythe, même un paquet de pâtes ou de cigarettes. Cela paraît fumeux à première vue, mais remarquablement bien vu quand on y réfléchit… Le mythe ne cesse de voler la substance des choses pour les remplacer par des artefacts, des artifices qui, au détriment du consommateur, se superposent comme autant d’écrans : il en est ainsi pour tout ce qui nous entoure et notre portable l’aurait sûrement inspiré... S’il en avait eu les moyens, cet homme libre d’esprit et de mœurs aurait pulvérisé de l’anti-mythe dans toute notre société… En déconstruisant les mots et les objets, l’aide de Barthes m’offre ainsi un pas de côté salvateur et une grille de lecture efficace devant la quantité de gadgets et le flot d’informations qui pourrissent mon quotidien. En me permettant de faire le tri dans ce fatras, j’aère, je ventile, j’éparpille façon puzzle comme Blier et je respire, enfin, bien plus librement.

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