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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 23 octobre 2023, jour mythé...

Denis Vallier
(Archive : clin d'œil de Barthes)

(Archive : clin d'œil de Barthes)

La vision originale de Roland Barthes m’est d’une aide précieuse pour comprendre le monde où je suis tombé. Il a traduit son point de vue très particulier au travers d’une nouvelle approche de la mythologie : le mythe, n’est ni dans la croyance, ni dans la religion ou les illusions idéologiques, il est dans ce qui nous est le plus ordinaire, le plus usuel, dans la nourriture en particulier et on mesure la pertinence de Barthes en entrant dans un McDonald ou nous vantant de nos fromages qui puent. Tout le travail culturel accompli jadis par les dieux et les héros épiques des sagas se trouve pris en charge de nos jours par les publicités pour les bagnoles et les déodorants, par les personnages de bandes dessinées ou les héros de Marvell. Cela consiste à renouveler en permanence des éléments de langage très étudiés et à gaver les populations de rêves, de superpouvoirs, de destin prophétisé, de magnifiques promotions sociales qui transforment un pauvre type en superman : il suffit d’y croire. Il s’agit également de mouliner la réalité pour la faire passer par le prisme des séries télévisées. L’univers Disney est centenaire, voyez la puissance invraisemblable de cette entreprise : comme le Vatican, c’est devenu une multinationale qui nous vend de la fumée magique à la chaîne et au niveau mondial (- ce qui distingue les deux, c’est que le Vatican refuse de reconnaître que ses héros sont de pures inventions…).

Barthes pouvait aussi bien parler de catch que de littérature, il prenait des objets de consommation courante, que ce soit un match de catch, un steak saignant, un striptease, ou une DS Citroën, pour en extraire ce qui ne périt pas. En nouvel Attila, il s’attaquait au galop à notre société de consommation naissante et derrière lui plus rien ne se vendait. Sous ses coups de sabre, notre réalité quotidienne falsifiée se volatilise en dévoilant ses simulacres, ses illusions. Il nous fait remarquer au passage qu’un striptease va désexualiser la femme : quelques parcelles d’érotisme se font absorbées par un rituel rassurant et conventionnel qui efface la chair aussi sûrement que "le vaccin ou le tabou fixent et contiennent la maladie ou la faute"... Bon d’accord, il était homo et donc moins concerné mais il se tenait malgré tout dans un rapport vraiment sensible et familier au monde…

En n’ayant ainsi affaire qu’à des simulacres, à des artefacts, plutôt qu’aux objets eux-mêmes, le bon peuple, rassuré, vit et consomme en toute sérénité. L’adversaire de Barthes n’est pas tant le bourgeois de son époque que l’étroitesse d’esprit, la petitesse, la partie la plus grégaire de nous-mêmes, celle qui n’a guère l’idée de s’interroger sur les effets de pouvoir contenus dans les objets. À ses yeux, le petit-bourgeois stéréotypé devenu le Français moyen, recherche en permanence, obstinément ce qui lui ressemble. Même s’il était sur une autre planète comme Mars, il finirait par le trouver mais il est impuissant à dépasser son propre monde. Plus il prétend aller vers l’autre, plus il revient à lui-même et, en boomerang, on mesure de nos jours les dégâts que cette limite égoïste a pu causer.

(Archive : clin d'œil de Barthes)

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