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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 6 octobre 2023, jour au fond du trou...

Denis Vallier
Page du 6 octobre 2023, jour au fond du trou...

"Ô blanc, reprends ton lourd fardeau"… conseillait Rudyard Kipling aux colons d’Afrique du Sud. Il aurait pu aussi leur demander de reprendre leurs guerres sauvages pour la paix (- et surtout pour les matières premières) tout en supprimant les maladies et en nourrissant les bouches affamées… De son côté, Bernard Kouchner, ce médecin Ministre des Affaires étrangères qui faisait dans l’humanitaire, se disait lui aussi qu’il devait bien rester "un angle de tir pour la paix"… Bien avant cela, pour James Joyce, l’Histoire était déjà un cauchemar dont il essayait de se réveiller… Ça peut se comprendre, mais moi, j’aime beaucoup l’Afrique et tout autant mes rêves délirants : je rêve énormément et dans toutes les langues du monde… fort heureusement, tout est sous-titré. Quant à ma part de terreurs nocturnes, mes pires cauchemars sont plutôt ironiques et hilarants : la preuve…

Il y a de nombreuses décennies de cela, pendant que dans une autre vie, je coopérais en Centrafrique en essayant de sortir le pays du trou et en tentant de remplir, tel Sisyphe, mon tonneau des Danaïdes, j’ai fait un rêve étrange et marquant puisque son souvenir est demeuré intact. Pendant mon sommeil, de solides soldats africains m’ont jeté sans explication au fond du puits creusé derrière la magistrale villa coloniale que j’occupais sur les bords de l’Oubangui (- elle était isolée et avait servi de QG à Bokassa pendant son coup d’état, son puits avait une sinistre réputation atrocement méritée, je vous en évite les détails…). Même en rêvant, c’est impressionnant de se retrouver à patauger dans l’obscurité : c’est toujours effrayant un trou noir… Ce qui fait peur, ce n’est pas tant l’obscurité que son horizon, la limite au-delà de laquelle il n’y a plus de retour possible, on se trouve irrémédiablement happé, aspiré, absorbé, assimilé… Comme tout le monde le sait, un trou noir c’est troublant, ça ne laisse rien s’échapper, pas plus les mauvaises odeurs que les rêveurs tombés de haut mais, vous pensez bien, je n’allais pas en rester là : attendre quand on rêve est la chose la plus difficile qui soit. Il se dit que la patience est la petite sœur de la sagesse aussi, sans me décourager, je me suis creusé astucieusement mais laborieusement, une série de prises en spirale afin de remonter là-haut, jusqu’à l’ouverture refermée par un lourd couvercle. Avec toutes les peines du monde, je dégageai ce maudit couvercle pour enfin me sortir de là mais ce fut pour me retrouver face au fusil d’un gardien dépourvu de tout humour. Il devait sans doute se dire qu’il n’y a rien de plus ennuyeux que les rêves des autres et manifestement, la patience n’était pas son fort… L’humour, c’est mieux à deux et je revois encore ses grands yeux impassibles pendant qu’il faisait feu vers mon ventre sans la moindre sommation ni un mot gentil, me renvoyant illico dans les enfers. Paix à son arme… mais tout ça pour ça ? Que d’ingratitude ! En tout cas, fort heureusement, même pas mal ! Pendant que je tombais à la renverse, j’ai largement eu le temps de me dire  " ça m’est égal, ce n’est pas grave, je m’en fiche, de toute façon, je recommencerai !" et là, mon rire m’a réveillé avant que je n’atteigne le fond…

"Seul dans tout l’univers, l’esprit demeure immuable et constant. Tel un prisonnier jeté au fond d’un puits vide et profond, je ne sais qui je suis ni ce qui m’attend. J’ai ouïe dire cependant que de cette lutte âpre et cruelle contre Satan, je suis destiné à sortir vainqueur. Alors, esprit et matière se fondront en une harmonie parfaite et le règne de la volonté universelle commencera." … Il suffit d’y croire et c’est ce qu’espérait, elle aussi, la Mouette au fond du trou de Tchekhov… Pourtant, jusqu’à présent, le seul type qui ait réussi son comeback, c’est à ce qu’il paraît Jésus, mais je ne vous dis pas le prix à payer !

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