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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 15 janvier 2024, jour dégénéré... 7uj

Denis Vallier
(Illustration : une des affiches de l’exposition des Arts Dégénérés (1937))

(Illustration : une des affiches de l’exposition des Arts Dégénérés (1937))

Il est libre Max, mais pour voler comme lui, il faut être un peu timbré… Les génies, les autistes, les fous, tous ceux qui ne pensent pas comme tout le monde et qui sont parfois si proches les uns des autres qu’on les distingue mal, tous ceux qui sont humains mais différemment, nous enrichissent. Leurs regards exotiques nous font découvrir notre monde habituel sous un autre angle et pourtant que de mépris, que de rejet… Dans les années 1920, le psychiatre et historien d’art allemand Hans Prinzhorn qui influença Marx Ernst, les Surréalistes et Jean Dubuffet, rapprocha pour le valoriser, l’art des fous de l’art des génies. Quinze ans plus tard, le Reich va inverser cette proposition et par une propagande très active et une habile mise en scène va condamner au placard toutes les productions artistiques des si prolifiques et novateurs artistes juifs. Qui est fou dans l’histoire ?

On s’en rend bien compte sans chercher à comprendre : on vit dans un monde de dingues, mais ça ne date pas d’hier. Déjà en 1937, la désormais célèbre exposition de Munich sur l’Art moderne, assimilé à "l’Art dégénéré" (- "Entartete Kunst)", vue par deux millions de personnes, a mis en parallèle pour les confondre, les productions des plus grands artistes de l’époque, Picasso, Chagall mais surtout juifs et bolchéviques, avec des œuvres de malades mentaux. L’idée initiale était de faire du peuple allemand, la victime de machinations étrangères par le biais d’une culture décadente imposée depuis l’extérieur (- il va de soi que toute ressemblance avec une situation actuelle ne serait qu’une pure coïncidence). Deux ans auparavant, le Troisième Reich avait déjà organisé une autre exposition illustrant "les reflets de la décadence". Bien sûr, on a parfois l’impression que le cerveau d’un Picasso est passé au travers du pare-brise, mais de là à le mépriser à ce point, il faut être dérangé… Ce qui rendait ces expositions particulièrement originales, c’est qu’elles voulaient censurer tout en montrant…

Les organisateurs spéculaient sur le bon sens du visiteur en exposant ce qui à leurs yeux tenait d’un art dégénéré. Ils ne voyaient pas là un pari risqué car, selon leur avis nazifié, la population allemande ne pouvait pas trouver d’intérêt dans les œuvres d’Erich Heckel ou d’Hans Grundig. Il faut reconnaître que mettre en spectacle des œuvres pour les tourner en dérision est une forme de censure osée mais particulièrement perverse... On accroche ces "croutes sans valeur" de travers ou on les pose carrément au sol, on insiste pour en démontrer la facture ridicule, enfantine ou proche de l’asile. Hitler, qui eut des prétentions artistiques rejetées par les tenants juifs de l’académie de son époque, va donc poser avec dégout et un sourire narquois devant ces "horreurs", les balayer d’un revers de manche de gabardine et imposer "l’art héroïque", seul expression artistique autorisée et acceptable par "l’esprit du peuple"… On a vu ce que cela a valu au bon peuple allemand de ne pas recracher cette propagande et d’accepter sans broncher la servitude… Qu’on se le dise...

(Illustration : une des affiches de l’exposition des Arts Dégénérés (1937))
 Et pour le plaisir, un lien avec Max, 1982 et Hervé Christiani :

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