Page du 25 janvier 2024, jour sensationnel...

(Dessin de Pawel Kuczynski)

J’existe, je le sens bien, c’est une évidence, je n’ai même pas besoin de penser à Descartes… Mais comment le prouver ? Ce n’est pas facile… peut-être que vous et moi ne sommes que des fantômes émergeant du délire d’un dieu bourré ayant beaucoup trop bu de voies lactées fermentées… C’est plus une affaire de perception et de sensation que de réflexion. De toute façon, même si ce que l’on ressent est plus ou moins agréable, ce ne peut pas être primordial : ce qui prime, c’est ce qui est, ce qui stimule nos perceptions (- même si, chamboulés par la physique quantique et des fantasmagories personnelles, certains en sont venus à prétendre que c’est la conscience qui agglomère la matière)… Je sens bien que j’existe, mais que l’on souhaite raconter sa vie ou la marche du monde, il faut toujours relier un ressenti à un fait. Par exemple, le soleil semble tourner autour de la terre, c'est une sensation, mais (- à moins de considérer son nombril et la Terre comme les seuls éléments fixes de tout l’Univers) nul besoin d’être Copernic pour savoir que c'est la terre qui tourne autour du soleil. Effectivement, la Terre ne peut être fixe car sinon, certains astres lointains se déplaceraient à des vitesses dépassant largement celle de la lumière ce qui défriserait Einstein...

La réalité, c’est-à-dire l’univers, la nature ou les Humains, est la même pour tous. C’est ce qui continue même quand je m’absente, même quand je n’y crois plus. Ce sont des assemblages renouvelables de particules qui fonctionnent selon les lois qui les organisent indépendamment de ce que j’en perçois... dans cet ensemble harmonieux, ma conscience fait tache : je ne suis pas toujours en phase, mon assemblage cérébral débloque souvent à contre temps. Si je suis capable d’un amour infini je peux tout aussi bien y renoncer, partir faire la guerre… et m’extasier devant une explosion nucléaire. Que c’est beau un champignon atomique ! Ainsi, je suis assez prévisible et l’on aurait tendance à rapprocher le modèle biologique humain du modèle informatique de l'ordinateur puisque celui-ci a été primitivement conçu à notre image par Turing. Or, devant une situation nouvelle, tous les ordinateurs programmés de la même façon répondront de la même manière, ils ne sont pas libres alors que nous prétendons l’être…

Certaines grosses compagnies moulinant les big data vous diront que ce n’est qu’une sensation de plus. Elles considèrent les Humains comme inscrits dans une détermination calculable et tout autant prévisibles que les ordinateurs, mais ce qui est sans doute vrai pour les grands nombres ne l’est pas encore pour chaque individu : il reste à chacun de nous un peu de marge. Profitons-en tant qu’il est encore temps mais c’est de moins en moins gratuit à notre époque : nous sommes devenus si nombreux et les moyens de contrôle si puissants. La nature fantasque nous a bizarrement dotés d’une conscience qui nous permet de n’en faire qu’à notre tête à condition de braver ce qui nous conditionne, ce qui nous limite et les IA qui nous cernent... Comme le conseillait le Mahatma Gandhi, "ne laissez personne marcher à travers votre esprit avec ses pieds sales".