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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 22 avril 2024, jour apeuré...

Denis Vallier
Page du 22 avril 2024, jour apeuré...

J’ai vu le premier passage de Michel Drucker à la télévision, c’est vous dire si je suis vieux... Il faisait ses premiers pas dans une émission sportive et ses mains tremblaient comme la feuille qu’elles tenaient. C’était une époque joyeuse et bon enfant, mais qu’il semble loin derrière nous le temps de l’amour, de la compassion, de la solidarité des Coluche et compagnie… Nous avons changé d’époque et dorénavant, c’est chacun pour soi. Les émotions dominantes qui nous imprègnent actuellement sont le ressentiment lié à la peur des fins de mois difficiles qui commencent le 10 et à la colère face à l’injustice. Boostées par les bruits de bottes et la multiplication de faits divers tous plus sordides les uns que les autres, ces émotions négatives provoquent un tsunami de tensions, d’inquiétudes et d’angoisses qui submerge toute la société. Nous avons peur de tout, sans trop savoir de quoi tant la réalité est devenue arrogante et insensée, mais en premier lieu, nous avons peur les uns des autres. En même temps nous avons peur d’en être différents et de nous retrouver seuls : on ne peut quand même pas se priver du miracle de l’autre comme dirait Levinas, mais faudrait savoir ! En plus, nous avons peur de ces peurs contradictoires ce qui nous désoriente encore plus.

Quand un individu a peur, cela l’incite à agir ou à se défendre, mais au niveau d’une société, quand la peur est multipliée par des millions, elle nous pousse à nous mettre à l’abri en attendant la fin du monde, elle nous divise en de multiples îlots refermés sur eux-mêmes, ou, au contraire, elle nous radicalise et nous pousse dans la rue car la frustration est un excellent carburant pour la mobilisation et on se retrouve ainsi au bord de la guerre civile. Cela sert toujours les intérêts de quelques-uns et c’est le thème de "La Fièvre", une excellente mini-série dans la lignée de "Baron noir" que l’on peut voir en ce moment et qui doit son titre à Stefan Zweig.

Avant de nous quitter, Zweig a envoyé "Le monde d’hier", tapé par sa femme, en guise de testament littéraire à son éditeur. C’était la veille de leur suicide commun en 1942, et on peut en extraire ce fragment évocateur : "Peu à peu, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques, les plus débonnaires étaient enivrés par les vapeurs de sang. Les amis que j’avais toujours connus comme des individualistes déterminés s’étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grossières accusations. Il ne restait dès lors qu’une chose à faire, se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre."… Ce terrible souvenir d’un parcours d’exil entre deux guerres évoque malheureusement une actualité brûlante, mais la série nous laisse entendre qu’il subsiste une énergie plus fédératrice que la peur, c’est la force du collectif et l’espoir qu’elle suscite : elle seule peut véritablement rassembler nos forces et nous réunir dans un même élan. Acceptons-en l’augure…

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