Page du 18 avril 2020 jour avé l'accent...

      Quand on a eu  une vie assez nomade, qu’il est bon de mettre pied à terre sous les pins et les oliviers de Provence, ils protègent du soleil. Tout autour de la Méditerranée enfermée le soleil est plein de vie, de rires, de vin et de chansons, mais il est assassin dans les arènes et meurtrier sans raison. La soleil, c’est la vie du Printemps mêlée à la mort de l’Eté, à celle du Meursault de Camus, à celles encore plus absurdes de tous ces étranges étrangers qui se noient en mer pour avoir voulu faire quelque chose de leur vie… il distribue ses bienfaits mais le cagnard darde sa fureur.  Rien n’est tiède par ici et pour un oui ou pour un non, on vous traitera de con, mais on le fera avé l’accent. Avé l’accent, on peut tout se dire, tout vous est permis, c’est un passeport pour la liberté. Qué merveille !... il transforme toute dispute en un film de Pagnol.

      Tous les expatriés ou les exilés le savent bien : quand ils s’éloignent de la terre qui les a vus naître, ils en gardent toujours un peu accrochée à leurs semelles. L’accent, cela reste une façon de parler de son pays sans même en dire un mot. Si vous ne bougez pas, il est si bien accroché que vous le conserverez toute votre vie comme "être" garde le sien, par contre, si vous le faites voyager, il peut s’user comme toute chose, mais au moinssss, il vous accompagne un bout de chemin. Certains sont plutôt rudes mais plein d’humour et d’affection comme le belge ou l’alsacien, celui-ci roule comme les galets dans les torrents pyrénéens de l’inénarrable Jean Lassalle, quand celui-là est chantant et sucré comme un bonbon. Ceux du midi ou de Toulouse, sonores, éclatants, sont parmi les plus agréables, ce sont des musiques qui se passeraient presque de parole et qui  vous font voyager rien qu’à les écouter. Je ne voudrais pas paraître chauvin, non… mais l’accent marseillais se distingue entre tous : il a un pouvoir d’évocation si particulier qu’il vous fait entendre la mer au fond des coquillages mêlée au chant des cigales pendant la sieste sous l’olivier et aux claquements des carreaux à la pétanque, il vous illumine du sourire de Fernandel et vous voyez comme je vous vois, la Sardine qui bouche l’entrée du Vieux Port. Surtout, il vous fera sentir l’anis, le thym et la lavande même jusque là-haut, à Pariss quand il bruine sous votre ciel d’ardoise. C’est un moment de bonheur qui passe, une caresse pour l’oreille,  une œuvre d’art immatérielle,, que dis-je… un monument sonore ! Franchement, Môeussieur, c’est scanedaleux qu’il ne soit pas classé au Patrimoine mondial de l’Unesco !…

L'accent de Farid Boudjellal...