(Photo d'Alicja Posluszna)
Depuis la prime enfance, la discipline et moi, nous faisons deux : j’aimais trop courir les forêts, les montagnes et les rivières. J’étais trop accro à l’euphorie que ma liberté m’offrait. Mais j’avais aussi compris que la liberté totale était impossible tant je subissais quantité de devoirs et d’interdits… J’en esquivais bon nombre, mais je me doutais déjà que je ne pourrais jamais être totalement libre, par contre, je me disais que pour préserver au mieux cette sensation jouissive et précieuse, il m’était indispensable de rester discret et de rejeter tout maître…...
(Illustration par Abdullah Evindar)
Je dors comme un bébé mais j’ai des sommeils très animés… Il y a quelques années de cela, un rêve m’a livré dans ses moindres détails, séquences et décors compris, un scénario de film cohérent, judicieux et qui souffrait la comparaison avec pas mal d’autres. C’était l’histoire de la vengeance d’une jeune Tsigane, abusée et rejetée par son clan pour avoir tué son violeur et qui, sur fond de ruse et de violence, finit par se retrouver à la tête de la plus puissante famille, mais peu importe. Quand il m’en reste le souvenir, je suis à la fois acteur et spectateur...
L’oiseau marin accepte le vent, il cherche à se faire saisir et porter tout en jouant avec lui du bout des ailes. Le vent est son ami, son complice, et ensemble, ils traversent sans fin les océans. Mais le petit d’humain, lui, n’a pas cette liberté : après avoir rampé, il doit apprendre à se redresser et marcher laborieusement aux prix d’innombrables chutes avant de maîtriser ses déplacements. Il devra aussi maîtriser ses nerfs, son agressivité, ses pulsions, ses désirs, ses attentes. Bref, il doit devenir maître de lui-même. N’y a-t-il que celui qui peut véritablement se dire "je ne crains rien...
(Photo de Ben Zank)
Que vaut-il mieux ? Vivre une vie passionnante mais risquée ou une vie peinarde et confortable en pantoufle ? On a le luxe de choisir ou d’hésiter à notre époque. Il se trouve que la passion est toujours ambivalente, elle est à la fois le feu de la vie et la mort du Christ. Elle vous enthousiasme mais aussi bien, vous ronge et vous détruit. Sans compter que l'on a en soi des désirs contradictoires pour l’alimenter : celui qui libère ses désirs ne sait plus où donner de la tête et a vite fait de la perdre. Or notre tête et nous, nous ne sommes pas séparables : l'immoralité...
(Dessin sadique de Skip Morrow)
Qu’on aille au cinéma ou que l’on ouvre un écran, on en prend plein les yeux : vive l’aventure, le courage des héros, les espaces infinis, les amours torrides, la vie des pionniers dans le vent et la tempête ! C’est bien gentil de vouloir vivre par procuration une vie passionnante qui nous sortirait de notre zone de confort, mais c’est oublier que la passion peut aussi être un désir délirant qui nous pousse à rechercher un absolu inaccessible. À l’inverse, peut-on se dire tout au long de sa vie "pourvu qu’il ne se passe rien et qu’il ne m’arrive rien" ? Peut-on...
Je plains tous les esclaves qui portent chaînes et bracelets, surtout quand ce sont des montres en or. Les pauvres ! La tendance de l’époque est de nous maintenir dans des cages dorées, mais ce n’est que du plaqué. De toute façon, agrandir et améliorer les cages est le contraire de les abolir. Que faire alors ? Être ou ne pas être ? - "Telle est la réponse" répondait systématiquement mon perroquet mystique qui, depuis, s’est envolé au loin… Une parole de rêve scintillant en plein jour comme la sienne, lèvera un instant le rideau opaque et obscur de la question en la ressoudant à la réponse… Résonner...
(Photo : 450 000 personnes à Woodstock en 69)
Il vit peut-être "d’air pur et d’eau fraîche", mais j’aurai beau chanter encore et encore, jamais je ne déploierai mes ailes, jamais je ne volerai comme l’oiseau sans un harnachement sophistiqué… On aura beau détester la foule et l’humanité toute entière, il n’y a pas d’autonomie parfaite pour les humains, de plus, nous dépendrons toujours les uns des autres. Même le misanthrope de Molière ou un ermite ne trouve que des dépendances librement consenties associées à des dépendances imposées. La première des contraintes, ce sont nos besoins, physiologiques...
Dans "Les caves du Vatican" d’André Gide, Lafcadio commet un crime gratuit et totalement absurde en défi à l’univers, aux dieux, à la raison, à la société, à tout ce qui est normal et ordinaire. L’absurdité dirige le monde mais est-ce ainsi que les Hommes vivent ? Missak Manouchian (- qui repose désormais au Panthéon après une émouvante cérémonie et un hymne à la liberté) a lui aussi donné sa vie gratuitement pour défendre ses idées d’homme libre. Son geste est-il du même ordre ? N’ayez crainte, je n’en suis pas là, mais si vous pouviez me voir, vous me trouveriez avec la main droite levée sans...
(Photo de Leigh)
En société, la loi, c’est la loi et tu es libre de la respecter ou pas. Certains s’en affranchissent et c’est alors la loi du plus fort ou du plus riche ou du plus égoïste ou encore, du plus timbré… et c’est souvent la même personne. Cela consiste pour le plus fort, à réaliser ce qu’il veut faire au détriment de ce qu’il doit faire Par exemple, la loi vous accorde la liberté de porter une arme dans la rue aux USA, sauf que c’est une source évidente de criminalité pour ceux qui estiment avoir le plus gros calibre. Et là-bas, plus tu es riche, plus ton canon est gros. Très sportif,...
(Illustration : montage d'Ugur Gallenkus)
Chacune de nos vies est reliée par un fil aux premiers instants de l’univers. Ce fil est d’une minceur extrême mais d’une solidité à toute épreuve. La somme des coïncidences nécessaires pour que nous soyons ici, les uns et les autres, est invraisemblable. Par exemple, un sandwich servit de casus belli pour déclencher la première guerre mondiale et changer la face du monde… Le 28 juin 1914, Gavrilo Princip, membre d’un groupe de sept jeunes conspirateurs aspirant à la liberté et à l’indépendance, échoue comme les copains dans sa tentative d’assassinat...
J’ai un peu lu de philo par ci, par là, dans ma jeunesse et il m’en reste que p our Hegel, l'Histoire à un sens qui va de l'oppression la plus totalitaire à la liberté suprême. À ses yeux positifs, tout fait historique va en ce sens. Les grands hommes comme Robert Badinter ou Alexeï Navalny sont, selon lui, conscients de ce sens. Ils ne servent donc ni le peuple, ni eux-mêmes mais uniquement ce sens, même si c’est à leurs dépens. Le peuple lui aussi connait ce sentiment car pour Hegel, même l'esprit le plus simple reconnaît la raison et la raison est cette course vers la liberté. Et donc, même...
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé. « Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? Rien ? - Peu de chose. - Mais encore ? - Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause. - Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ? - Il importe si bien, que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. » Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encore. Selon "le Loup et le Chien" de La Fontaine, la dure réalité impose au commun des mortels un choix plutôt simple mais restreint...
(Photo de rue par Thomas Leuthard)
Dire qu’il y a peu, on s’imaginait évoluer vers toujours plus d’humanité… ce que nous pouvions être candides ! C’est sûr, nous sommes numériquement plus nombreux et nous continuons à faire des gosses en quantité de par le monde, mais plus nous sommes nombreux, moins nous sommes humains. Du coup, nos enfants sont jetés en vrac dans un broyeur qui les déchiquète à tout va. Quel gâchis ! Quel hachis peu ragoûtant en sortira ? Chair à canon ou pâtée pour chien ? La perspective n’est guère réjouissante et on ne va pas quand même rester sans réagir ! La nécessité...
(Illustration par Sarolta Ban)
Le diable vit dans le passé… et je suis aussi vieux que l’arbre, aussi vieux que la rivière, aussi vieux que la montagne. Au sommet de la montagne, je suis seul au monde… où sont passées mes années vagabondes ? Le silence y souffle fort, il me rapporte l’écho de toute les voix qui m’habitent. Je ne suis pas le monde entier, ni même un pays, mais je suis au moins une grosse bourgade à moi tout seul : je suis habité par quelques milliers de présences, celles des générations antérieures dans des transmissions le plus souvent obscures, celles qui peuplent une culture...
Page du 15 février 2024, lendemain du jour des amoureux...
Vous n’en avez pas marre d’être influencés, conditionnés, manipulés ? Vous n’en avez pas ras le bol que l’on piétine vos libertés ? De ces fêtes commerciales à répétition ? Il est quand même terrible le chantage affectif de la Saint-Valentin ! Les marchands ont réussi à culpabiliser les amoureux s’ils ne font pas une démonstration payante, sonnante et trébuchante, de leurs sentiments. Je suis, comme tout le monde, je suis conditionné pas le temps, l'espace, la matière et le bain culturel à la noix dans lequel je suis immergé. Forcément, j’ai craqué sous la pression et du coup j’ai offert une friteuse...
(Photo Sebastião Salgado - 1986 - Serra Pelada)
Vous et moi, nous sommes le produit de nos gènes, de notre époque et de notre environnement, nous nous retrouvons donc programmés et plus ou moins conditionnés, plus ou moins libres. Et voilà que quelques maîtres du jeu s’approprient la planète en nous assimilant à leurs biens : rien pour les autres, tout pour eux, telle est leur devise… Ils nous traitent comme du bétail et nous prennent pour des esclaves serviables à merci. Il va de soi que quelques réfractaires manifesteront leur réprobation… et nous avons une tendance assez fréquente à nous...
(Illustration par Lightfarm Studios)
Grâce à Polaris, plus connue sous le surnom d’Étoile Polaire, nous savons vers où aller, mais elle ne nous a jamais dit où l’on est. En plus, elle disparaît chaque matin… Il est facile de se perdre ici-bas, surtout dans les choix que nous faisons quand les évènements nous dépassent ou même dans notre propre esprit. Quel va être notre point de repère fixe ? Quel phare nous guidera pour sortir des ténèbres ? Le mien fut mon père… sa lumière s’est éteinte mais le vieux socle est toujours là. Notre balise ne peut être qu’extérieure, elle est forcément parmi...
Page du 12 février 2024, jour du troupeau égaré...
Jadis, il y eut Des forêts vierges inconnues par de-là l’horizon Des nomades intenables se guidant aux étoiles Qui labouraient les mers et les déserts torrides Des tourments ineffables à faire trembler la chair Du feu, du sang, des cris, des cruautés sans nom Des rébellions superbes dardées jusqu'aux étoiles Des talents prodigieux, des générosités extrêmes Des amours sublimes, des amitiés joyeuses Quelques âmes brûlantes, des délires vermeils Et des oblations enfantées du Soleil… Désormais… Ne subsiste qu'un troupeau égaré D’indigents bestiaux, obèses et ignorants Aseptisés, vaccinés, stérilisés...
(Maurizio Cattelan photographié par Richard Avedon - 2004)
Il est un peu facile de se dire qu’il n’y a pas de liberté en soi, que c’est une fatalité. Par exemple, qui décide de naître, d’être noir, rose bonbon, homme, femme ou un peu des deux ? Agissons-nous ou sommes-nous agis ? Agités du bocal ? Secoués ? Orangina !!! Mais alors, par qui ou quoi ? Effectivement, nous sommes indéniablement le produit de la loterie génétique, c’est-à-dire la plus monstrueuse accumulation de hasard qui soit, mais globalement, l'expérience démontre que l'on assume ce résultat plutôt bien même si ce n’est pas...
(Illustration par Mr. Kalopsia)
Je ne sais plus ce que je suis Je ne sais plus vers où je cours, vers où je vole Je suis juste là Juste une ombre sous le soleil, exactement Juste la flaque où tombe la pluie, précisément Juste une larme de rosée Je perle sur le pétale d’une fleur Dans le berceau de tes bras, amoureusement… Poète, Âne bâté, Politicien, Trader, Bouddhiste, Sceptique, Charcutier, Croyant, Athée ou rien de toute cette litanie… celui qui ne se connait pas lui-même, dans ce monde, est une ignorance qui s'ignore, un centre de misère et un être crédule même s’il roule sur l’or. Je...
(Dessin de Talbott Hudson : Lady Liberty - Brown Bag Cab)
En visionnaire et homme d’expérience, Victor Hugo conseillait de construire des écoles pour fermer des prisons mais nous n’avons rien compris. Stupidement, nous faisons même l’inverse. Nos écoles sont dans un état catastrophique et nous nous fabriquons deux sortes de prisons dans cette société de consommation suicidaire : on trouve celles où nous sommes enfermés et la liberté convoitée se trouve à l’extérieur, hors de portée, et les autres, où nous sommes à l’extérieur mais la liberté se retrouve enfermée dans les coffres des forteresses...
Sartre n’avait pas très bonne vue mais ses formules ont le mérite d’être claires : pour être libres, nous sommes condamnés à choisir. Le plus libre d’entre nous ne peut éviter de choisir, et d'avoir à choisir : il y est contraint, il n’y a pas d’autre moyen. Chaque fraction de seconde qui passe nous place devant une pluralité de choix possibles. Un jour de vote, je peux choisir de fermer les yeux, de m'endormir, de ne pas choisir mais je n'ai pas échappé à un choix, j'ai juste choisi d'une certaine manière, alors que j'aurais pu décider d'une autre. C'est dans ce choix, posé, et irréversible que...
Je ne suis pas à une contradiction près… mais, franchement, c’est épuisant d’être libre. Le concept de liberté est particulièrement paradoxal et l’exercice d’équilibriste commence à me peser. Ainsi, nous avons besoin de liberté mais point trop n’en faut sinon il nous faudrait toujours plus de prisons. Ce concept pose le problème de la définir dans son existence, dans sa réalité vécue puisque, faisant intervenir l'intentionnalité, nous constatons qu’à l’exemple du cycliste, une personne instable n'est pas maîtresse de ses intentions dans la durée. Elle dépend de cette instabilité et risque de perdre...
(Dessin de Serre pour contrarier avec humour mon propos.)
Mon vélo est nickel, mes pneus gonflés, mon bidon rempli… Dès que j’enfile ma tenue aussi bariolée qu’un sapin de Noël et que je grimpe sur mon destrier, je suis le plus libre et le plus souriant des hommes. Avant on pouvait compter les moucherons sur mes dents mais ils se font rares ces derniers temps. J’aime faire du vélo : saturé d’endorphine, j’appuie comme une mule sur les pédales, je vais où je veux en toute indépendance et sans me prendre la tête. Les grincheux ricaneront et me rétorqueront que cet effort gratuit en boucle frôle...
Page du 5 février 2024, jour du Quantique des quantiques...
(Photo : piscine en Chine)
Au commencement était le verbe, la vibration… Un raisonnement logique parmi d’autres m’amène à affirmer que le seul acte libre ayant jamais existé dans cet univers fut le mouvement initial, ce petit coup de pouce donné à la première particule, celui qui a entraîné le mouvement de toutes les autres comme l’onde se propage. Cependant, les cloches raisonnent mieux que moi : ce raisonnement a de maigres chances de se tenir droit tout seul parce que ses bases sont molles et ressemblent à des sophismes. Mais, avant tout, la grossière erreur que je commets, c’est de supposer...
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