Comme il y a des degrés de libertés il y a également des degrés dans l’attente et l’espérance. Dans l’imminence et la proximité, l’attente peut être plus ou moins exaspérée ou au contraire, plus ou moins en sourdine quand l’objet est lointain. Dans sa nouvelle "Le bonheur conjugal", Tolstoï fait dire à son héroïne comblée, enlisée dans la prose barbante du quotidien, "N’ai-je donc plus rien à attendre ?". Tragique question… Pour les classiques, le bonheur c’était ne plus rien avoir à attendre, toutes satisfactions bues. Un vieux film russe sautillant et tout griffé d'Alexandre Medvedkine intitulé...
Le bon sens populaire ne se trompe pas quand il affirme que "la vie est une longue patience", ce n’est pas qu’un lieu commun, c’est finement observé. Depuis son vibrant petit monde, Charlotte Savary rajoute que "l’amour en est le prix" mais je ne sais trop dans quel sens il faut prendre ses mots… En attendant, je vais me recoucher, il n’y a que quand l’on dort que nous n’attendons ni n’entendons rien. Sinon, nous attendons sans cesse, d’où cela vient-il ? D’où vient que nous n’ayons jamais conscience sans attendre ? L’attente, comme le temps, semble être constitutive de l’être, c’est sans doute...
Il suffit de séjourner quelques heures dans un hôpital pour comprendre pourquoi on vous appelle un patient. "Veuillez patienter"… quelle détestable courtoisie administrative… "Souffrez d’attendre ! Attendez-vous à souffrir d’attendre car l’attente peut être longue"… Attendre… attendre… toujours attendre… patienter… encore et toujours, c’est pénible à force, cela devient une torture (- parfois jouissive dans certains ébats, je vous l’accorde)… je veux bien attendre un instant, mais je ne veux plus patienter, je l’ai déjà trop fait : à partir d’un certain âge cela devient aussi ridicule que d’économiser....
"Qu’est-c’ qu’on attend pour être heureux? Qu’est-c’ qu’on attend pour fair’ la fête? Y a des violettes Tant qu’on en veut Y a des raisins, des rouges, des blancs, des bleus" depuis 1938 et Ray Ventura… On a abattu le dernier des arbres et dans les cernes du bois fraîchement coupé on a pu lire "Je vous attends"… L’attente est toujours de même nature, mais on n’attend pas de la même manière quand on est sûr que quelque chose se produira,ou si l'on en doute : on sait très bien qu’il faudra plus d’un orage pour ressusciter la Mer Morte ou éteindre les incendies d’Amazonie, que c’est une question d’eau...
Nostalgie, quand tu nous tiens… Harold a perdu Maud et depuis, l’ambiance n’est plus ce qu’elle était dans les cimetières. Quand je lis certaines épitaphes, le passé, me fait parfois sourire, mais il fait toujours couler une petite larme dans les EHPAD (- Ah ! Ma pov’dame, avant, c’était tout une époque ! C’est pas comme maintenant !...). Nos âmes usées ne s'amusent plus qu'aux musées… que sont nos muses devenues ? Elles sont épinglées sur les murs… comme on est jeune sur les vieilles photos ! Les vases communiquent, plus la photo est vieille, plus elle vous rajeunit. La nostalgie a toujours cet...
Rien n'est fixé pour toujours. Tout se transforme, même l’or ; on pourrait croire qu’une belle pensée inscrite dans le marbre pourrait échapper au massacre, mais non, elle éclairera un instant quelques esprits de passage et s’effacera comme le reste. La preuve, de nombreux manuscrits d’une valeur inestimable ont fini comme torche-culs. Une équipe d’archéologues a mené des fouilles dans les sous-sols de la Cour Napoléon avant la construction de la pyramide de verre du Louvre. Ils ont découvert dans d’anciennes latrines plus de 700 cachets de cire aux armoiries des plus grands personnages de la fin...
À l’ère de l’immédiat, du tout tout de suite et partout, il m’arrive de regretter le décalage de la distance qui vous laissait le temps de la réflexion et une grande autonomie. À 18 ans, vous pouviez partir ainsi avec un copain et quelques Francs en poche pour un tour d’Europe en stop de deux mois sans le moindre lien avec vos parents. Ils n’y voyaient rien à redire et étaient simplement heureux de vous revoir à votre retour. En cas de pépin, il y avait toujours la possibilité d’envoyer un télégramme… Où sont passés les bons vieux télégrammes bleus de notre lointain passé quand les téléphones étaient...
Oiseaux déplumés de mauvais augures, nous avons tendance à prédire nos propres malheurs aux générations à venir. En fait, nous sommes de la même époque. Même en confrontation, même si ça ne se voit guère, nous sommes en concordance de temps à l’échelle de l’humanité, il faut nous en convaincre... Ah! Il faudrait pouvoir ressentir cette respiration commune qui nous unit ! Mais ce n’est pas facile : si nous respirons les mêmes atomes indéfiniment recyclés ce n’est pas le même air du temps ; notre espèce mute continuellement et plus rapidement qu’auparavant en raison de notre grand nombre et des facteurs...
Cadran cabossé J'ai donné tous mes rêves en pâture aux regrets, Pour des luttes sans trêve sur ces douze tirets Que l'aiguille, asservie au parti de la mort, Décompte de défis vers d'ultimes aurores. Plouf… Sur la grise margelle d'un vieux puits très profond, J'ai fait rouler deux perles, en ultime dérision, Pour toiser, impuissant, cette bascule obscène Vers d'infâmes néants qui se gorgent de peines Plouf… Il ne reste qu'hier pour demain se lever, Sans émoi ni prière, à nos plaintes courbés, Par le temps qui jamais ne revient aux espoirs Qu'en encens de décès et silences du soir. Am, stram, gram,...
Le 28 juin 1914 à Sarajevo, Gavrilo Princip, un jeune paysan serbe a bénéficié d’un concours de circonstances invraisemblable qui lui a permis d’assassiner l’archiduc François-Ferdinand et son épouse provoquant ainsi un cataclysme planétaire. Ce n’est pas bien de faire ce genre de choses, mais, n’en déplaise à Archimède, c’est la preuve qu’avec un peu de "chance", une seule personne peut soulever le monde sans aucun point d’appui. Si l’on ramène cet exemple tragique à la position de chacun d’entre nous par rapport à ce que nous vivons ensemble, aux injustices iniques que nous subissons, à la spoliation...
Sea, sex and sun…Vive les vacances! À grands coups de mojitos, de concerts et de noubas à donf, nous sommes invités à un hédonisme de circonstance. À longueur d’émissions, de revues, de tweets on vous convainc de jouir de l’instant, de vivre au présent, de vous éclater un max, de ne plus vous inquiéter pour votre avenir mais en même temps, de vous satisfaire de peu, d’apprécier les "vraies" valeurs et les légumes… A priori, c’est plutôt cool et cela semble partir d’un bon sentiment : pendant les vacances, c’est compréhensible, mais en dehors, une fois de retour dans sa banlieue… on insiste malgré...
Si je les compare, à l’avenir d’aujourd’hui, je préfère largement celui d’hier. Je ne peux plus me projeter comme avant, c’est sans doute un effet de l’âge… ou bien est-ce parce qu’on ne peut pas faire autrement que de vivre avec son temps à défaut de vivre avec le temps des autres… et que ce temps est devenu fou ? (- Simone préférait Montand et elle avait bien raison). Mon temps à son fil s'est pendu. Il y eu l’Age du bronze, le Siècle des Lumières et nous, alors que nous passons une bonne partie de notre temps à bâfrer, à jouir et à polluer, nous sommes entrés dans l’Anthropocène, l’ère de l’imprévisible…...
On aura beau faire miroiter toutes les alouettes, l’avenir du futur n’est plus ce qu’il était… Autrefois, au temps des dinosaures (- d’ailleurs, on ne disait pas encore « autrefois » en ce temps-là, on disait "du temps de mon père", c’est vous dire si ça fait longtemps…)… du temps de mon père et de mon grand-père donc, le futur était le simple prolongement du présent, on en avait besoin pour le reste de sa vie, on se projetait très loin en tirant des plans sur la moindre comète de passage… Nous aimions alors prendre le large pour aller voir là-bas si on y était. Les changements scintillaient au...
Libre à moi de fracasser ma montre en braillant "Merde au temps !" si ça me chante, d’agir comme s’il n’existait pas, mais les trains m’attendront-ils ? Les feux rouges passeront-ils au vert à mon approche comme s'ouvrent les portes des supermarchés ? La planète cessera-t-elle de tourner vinaigre ? Le futur sera-t-il meilleur demain pour autant ? Et puis, de quoi demain sera-t-il défait ? Ôtez-moi un doute, le soleil va encore se lever, n’est-ce pas ? Il y aura bien un demain ? Sera-t-il le survivant des précédents ou un autre jour comme on le prétend ? Rien n’est moins sûr : un jour, il n’y aura...
Petit à petit, insidieusement, le temps a tout pourri. Chronos est revenu en puissance : nous l’adorons, nous lui vouons un culte et lui faisons des sacrifices sur les autels que nous lui dressons comme aux plus beaux jours de l’Antiquité. Eh bien je crie "NON !" haut et fort, je hurle "MERDE AU TEMPS!!!" sur les toits… Heures abominables… Pitoyables minutes… Misérables secondes… En méprisant cette menue monnaie d’éternité, je prie ce qui nous reste d’humanité de brûler tous ses calendriers et de briser toutes ses chaînes de montre : le temps est un concept absurde, inutile et qui nous gâche l’existence....
Le temps passe de plus en plus vite ! Vous avez remarqué ? Ce serait une réflexion de petits vieux sur leur banc si le temps ne devenait tyrannique en s’accélérant : il devient notre pire ennemi. Ou le monde est plus rapide, ou je suis plus lent… il doit y avoir des deux. On ne vit plus en ce moment, on tourne ! On se retrouve programmé au calendrier de l’absurde par un engrenage de jours à aubes, notre futur bouffe notre présent et nous entraîne en spirale dans son trou noir, une sorte d’égout cosmique idéal qui vire au comique. Nous espérons toujours rester maîtres du jeu, nous détestons l’idée...
« Ensemble, tout devient possible » pouvait-on lire sur les affiches de campagne de Sarkozy en 2007. C’était il y a longtemps et il y a prescription mais je ne m’en suis toujours pas remis. Manifestement, celui qui a conçu ce slogan n’a jamais lu Bergson ou alors en travers et n’y a rien compris… Bien sûr, il y a plus sexy que Bergson pour passer ses weekends, mais il suffit d’ouvrir un de ses ouvrages pour être frappé par son intelligence qui frôle parfois le génie. Le philosophe a des aspects contradictoires qui en font un homme parmi les hommes avec ses doutes et ses paradoxes ce qui n’empêche...
Les Pygmées n’ont aucune autorité politique depuis que le monde est monde et ne s’en portent pas plus mal… Rêver en Diogène du pauvre, c’est bien, mais rêver ensemble c’est mieux… Hauts les cœurs ! Osons des utopies, elles ne servent à rien mais font bouger les lignes malgré tout. Attention, restons-en là ! Dans nos mentalités, le propre de toute utopie est de ne surtout pas avoir le début d’un commencement de réalisation sous peine d’endosser les inconvénients de la réalité. En quelque sorte, "on sait ce qu’on perd mais on ne sait pas ce qu’on gagne" comme disait ma grand-mère en considérant pensivement...
Affiches, répétitions, maquillage, scénario, mise en scène, émissions, coups de théâtre, chauffeur de salle, musique, applaudissements… la politique (- a priori grave et sérieuse puisqu’elle engage notre avenir) est devenue un show à l’américaine qui remplace les jeux du cirque. Aux Etats-Unis où l’on fait tout plus vite (- même l’amour) et où l’excès est la norme, l’omniprésident Trump et son mannequin occupent le devant de la scène en permanence. Ça y est, la course à la présidence américaine est lancée et, qu’on le veuille ou non, nous allons en avoir plein les écrans. En France, nous avons...
Si j’ai des rêves de grandeur et que soucieux de mon avenir à l’image d’un Ramsès II, je me construis une pyramide pour mon futur retour à la vie, je n’aurai d’assurance sur sa pérennité qu’en ayant un architecte qui maîtrise les bases de la construction, sinon ce ne sera qu’un tas de pierre et d’azur absurde et ridicule. Dans le monde des possibles qui est par définition ce qui n’est pas encore, se trouve ce qui est susceptible d’arriver avec une prétention justifiée et quantifiable à vouloir être. Mais ce monde est perdu, noyé, enseveli sous un amas d’objets imaginaires plus improbables les uns...
On s’interroge sur l'avenir, cela fait les affaires des "voyants", prophètes et autres arnaqueurs. S’ils étaient vraiment devins, ils joueraient au loto et gagneraient à tous les coups. Il existe malgré tout un repère prompt à cristalliser l’avenir dans leurs boules : le champ des possibles où germe ce qui n’est pas, où nous entrons à reculons puisque nous ne le voyons pas. Malgré tout, l’avenir restera toujours le meilleur endroit où stocker les espoirs et les projets et comme il nous est impossible de vivre sans rêver (- et nous projeter ne serait-ce que pour nous nourrir ou pour passer la nuit),...
Les grandes gueules, les fiers à bras, ceux qui ont pris la grosse tête, qui se prennent pour les maîtres du monde et ne doutent de rien ont aussi leurs moments de flottement comme vous et moi, sinon ce sont des psychopathes à noyer au berceau. Il arrive à tout un chacun de se croire d’importance mais très souvent aussi de se sentir insignifiant. Si l’on se réfère souvent aux valeurs du passé et aux grands hommes, c'est qu’on se sent tout petit et perdu dans un monde qui nous dépasse et qu’on voudrait un peu d’amour et de compréhension… rassurez-vous vous n’êtes pas tout seul : tout grand homme...
(Illustration au crédit d’Antonio Mora)
Nous sommes extraordinairement vieux puisque nous avons un passé de 13,7 milliards d'année … 13,7 milliards d’année… une telle quantité de temps frôle le ridicule mais on a beaucoup oublié, nous devons retrouver nos mémoires enfouies sous les couches des choses. Personnellement, avant d’avoir pris conscience de la situation, cela ne m’a pas paru long du tout. Un bon nombre des particules constituant les atomes de notre corps remontent effectivement aux premiers instants de l’univers. Bref nous sommes du passé sur pieds, c'est pourquoi pour bien nous connaître...
C’est beau la Grèce, Rome, Pompéi, la Sicile, les pyramides, mais c’est mal entretenu, tout tombe en ruines… C’est chouette aussi le Louvre, l’Ermitage, le British Museum meme si c’est sacrément démodé ! A mettre le passé sous cloche, on a vite fait d’en faire un cimetière. On ne réalise pas très bien ce qui caractérise sa propre époque quand on y est immergé. Que conserveront nos descendants ? des canettes de Coca ? des paquets de frites vides de Macdo ? des smartphones ? Nos déchetteries seront les musées de demain. Les emblèmes d'hier finissent dans les musées, enfin, pas tous : la cabane au...
Une pensée sans opinion, ce serait un paradoxe n’est-ce pas ? (- paradoxe : qui est opposé au bon sens commun). Moi, je m’en tape ! J’ai d’l’ancienneté ! J’suis rentré dans un bar à dix ans et j’n’en suis pas vraiment ressorti. J’suis un pilier d’la nation, moi, m’sieur ! J’suis juste passé de la grenadine au rouge qui tache. J’ai une opinion sur tout mais de pensées sur rien et je ne rate pas une occasion de le faire savoir, d’ailleurs vous voyez bien, je le braille haut et fort au bar de la Marine, sur Tweeter, Instagram ou sur Facebook… Allez hop ! j’balance la sauce…J’vais m’gêner, tiens !...