Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 28 novembre 2017 jour brouillon

Denis Vallier

      Dans le silence de mon petit Larousse illustré de 1985, sagement couchés entre les pages, les mots attendent ma main sans impatience aucune. Ils savent qu’ils peuvent compter sur elle. Ma main saura les retrouver. Même s’il s’agit toujours de raconter ce qui grésille dans sa cervelle, écrire est tactile, cela provient d’une certitude touchée, comme si l’organe de la parole devenait la main. C’est d’un bout à l’autre une affaire de temps ou de passe-temps, en tous cas de vivant : l’affaire d’un corps scripteur crypté de vie, immergé dans le temps qu’il innerve en retour. Je suis la main qui exécute et non le cerveau qui conçoit, la main qui donne naissance à un être qui s’adresse au visage dans le miroir. Les doigts sont modeleurs.

Proust: Sodome et Gomorrhe

Proust: Sodome et Gomorrhe

      Depuis le coup de force du numérique, ma main a perdu de sa superbe. Un traitement de texte, c’est propre, net, zen, pratique et facile comme un bon lavement. Ça va de soi et coule de source au gré de l’index. Mais m’arrivent encore des nostalgies de laborieux manuscrits avec leurs couleurs fluo, espacements, encadrés, phrases entourées, renvoyées, nerveusement barrées, inclusions d’inclusions, exclusions rageuses et barbouillées, dessins, marges remplies, inextricables fouillis où je me perdais corps et biens mais qui permettaient de profiter d’une pensée à l’ouvrage.

Flaubert: première page de Madame Bovary

Flaubert: première page de Madame Bovary

      Le manuscrit disait de lui-même combien ce geste de coupe était précédé, préparé par une longue et lente vague qui ramassait dans son rouleau immense toutes les associations venues et accueillies. Ce n’est qu’alors que je venais couper court aux bégayements, que j’ôtais l’écume, aiguisais la courbe pour ne saisir que le mouvement et la captation du rythme. J'écrivais alors pris par l'urgence mais je relisais, raturais, biffais, corrigeais encore et encore sans urgence et sur un temps long, long, long qui n’a plus rien à voir avec le temps actuel qui courre à sa perte...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires