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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 21 décembre 2019 jour de personne...

Denis Vallier
(Statue de Lagoa Henriques : Fernando Pessoa devant le café A Brasileira de Lisbonne)

(Statue de Lagoa Henriques : Fernando Pessoa devant le café A Brasileira de Lisbonne)

      Les mots sont des échos qui n’en finissent pas… "Pessoa s’est assis et puis ne bougea plus"… quel plaisir de citer ici le don d’un poète discret et généreux que la postérité ne manquera pas de saluer (!) mais qui, de son vivant ne sera personne comme Pessoa. Pourtant, avant de s’aligner sur son talent, il lui faudra se lever de bonne heure et cesser de se prendre pour Alain Delon en parlant de lui à la troisième personne, il n’est Alain que de loin. Pessoa, petit homme falot et sans grands attraits, je t’admire mais je n’ai pu pleinement t’apprécier qu’après avoir visité ton pays dont tu incarnes si bien la pudique nostalgie et la subtile ironie. Ton œuvre originale est majeure dans le patrimoine littéraire mondial et tes mots comme ton style se réverbèrent clairs et nets dans ma mémoire. Sur ta coque retournée à l’envers du décor, agrippé, sans gémir, tu gravas cent et un de tes noms de peur d’oublier le vrai… Pessoa… Personne… Froid sont les embruns, ta mort est en chemin. Redresse-toi, mets ton chapeau, la pluie va tomber sur ton crâne déplumé. Tu voudras encore une dernière fois jouer au jeu de l’amour, mais on doit tous mourir un jour…

      En tous les sens qu’on la retourne, une écriture devient nécessaire, une respiration, une gestuelle comme foyer ardent d’une langue sonore et de la passion paradoxale, vague support ondulant de la pulsion du grand large, asymptote de tous les mondes absents, rêvés. "L’homme descend du songe" rappelait en connaisseur Antoine Blondin… Toi, tu n’en es jamais sorti. Écrire comme Pessoa c’est d’un rien faire un tout, c’est tenter de redonner lieu, durée et forme à une âme dépecée (- il faut à tout prix réhabiliter le mot âme confisqué par les religieux) au moment même où il n’y a plus ni récit, ni sol, ni architecture possibles. C’est un travail pour faire une traversée de ce qui est un voisinage du chaos avec simplement le langage comme frêle esquif, et la suivre au plus juste en équilibriste sur le fil des mots pour ne pas tomber.

      Dans ce monde de trompe-l’œil et de tromperies, les mauvais choix font de bonnes histoires ; tu t’es souvent trompé et l’écriture devient alors un moyen d’atteindre la source de l’honnêteté, de créer enfin un monde pur. Le marin, ce n’est pas la mer qu’il aime, c’est son bateau et toi qui, comme je le fais là écris, c’est ta main et ton stylo. J’ai connu (-… non, croisé) dans mes lectures, des génies de la trempe de Pessoa mais aussi des gens qui n’ont fait que passer, allant de je ne sais où à… autre part que j’ignore, pour des raisons inconnues ou mystérieuses… des bateleurs de la jonglerie verbale, des funambules qui rêvent dans un hamac de mots, des baladins de l’illusion, des graphomanes compulsifs me ressemblant étrangement et d’autres un peu fous qui structuraient leur délire et cherchaient plus loin que les mirages…  On suit ses rêves à la trace comme un chien sur une piste mais on poursuit aveuglément ses mirages et ses illusions, c’est une maladie… Gens d’un voyage immobile et turbulent, autour des mots, des images, vous autres Pessoa du pauvre, je vous aime tant que vous êtes… Les mots résonnent et sont des échos… mais de quoi en nous ?

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