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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 15 mai 2018 jour d'espérance de vie

Denis Vallier

      Vivre vieux, c’est toujours mieux que mourir jeune mais ce n’est pas un but en soi et l’immortalité serait la pire torture qu’on puisse imaginer. Malgré tout, vivre mieux et bien demeure une éventualité tout à fait plaisante... En 1900, l’espérance de vie des Français était de 45 ans, de nos jours, elle est passée à 82 ans. On a réussi à augmenter cette espérance de vie grâce entre autres aux progrès de la médecine, à une meilleure hygiène ou aux antibiotiques, mais surtout en évitant de mourir un fusil à la main sur un champ de bataille à 20 ans. Par contre, jusqu’alors, on n’avait jamais réussi à améliorer la longévité humaine qui se situe autour des cent ans. Jeanne Calment ne devait pas espérer vivre si longtemps, elle a tout simplement, sans avoir rien demandé ni espéré, optimisé son incroyable potentiel et elle détient toujours le record du monde officiel avec ses 122 printemps et 5 mois malgré son petit porto quotidien et ses cigarillos. Les probabilités nous portent à croire que quelqu’un de sobre a très bien pu faire mieux dans le lointain passé mais, malgré ce qui se dit, il y a peu de chance qu’il s’appelle Mathusalem.

      L’idée bien dans l’air du temps, et en particulier dans celui de la Silicon Valley, est d’obtenir une humanité en bonne santé autant physique que mentale qui soit jeune et vieille à la fois et de faire mentir le dicton « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ». En fait, ce qui compte ce n’est pas la durée de la vie ou l’espérance de vie, c’est la capacité à habiter le présent dans la joie, à se débarrasser des regrets et de la nostalgie du passé tout autant que, justement, de l’espérance ou de l’inquiétude du lendemain. En effet, si on n’habite pas le présent, une vie plus longue n’est en rien préférable à une vie plus courte. « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ». Même si c’est une infernale « divine comédie », une vie sans espérance paraît à première vue résignée mais c’est tout le contraire ; commençons par ne pas confondre espoir et projet et ne nous leurrons pas nous-mêmes : espérer c’est attendre un miracle qui ne dépend pas de soi, faire des projets c’est vivre au présent en construisant son avenir. L’espoir, les lendemains qui chantent, c’est la matière première des programmes électoraux et des prophéties de tout ordre et de toutes religions, on nous en propose à longueur de discours, de prêches et de boniments. Spinoza, observateur et fine mouche, constatait lucidement qu’« il n’y a pas d’espoir sans crainte ». Il voyait juste : espérer, c’est toujours vivre un drame au présent. Si j’espère gagner au loto, c’est que je suis pauvre, si j’espère la santé c’est que je suis malade, si j’espère une âme sœur, c’est que je souffre d’être seul ; l’espoir tente systématiquement de combler un manque, c’est une bouée dans un naufrage, de la poudre aux yeux ; il ne fait le bonheur que de nos dirigeants et la bonne fortune des religions, des gourous et autres marchands de rêves de tout poil. Si la condition de mon bonheur est l’obtention de ce que j’espère, alors mon bonheur ne dépend plus de moi, je ne saurais en être l’artisan ; étant donné, il n’aurait aucune valeur.

       Mais si par contre je puis apprécier pleinement le jour qui vient, il est vraiment tentant d’en demander plus. Il y a tellement de livres à lire, de villes à visiter, d’œuvres d’arts à apprécier, de bons moments à passer, de femmes ou d’hommes à aimer, que mourir à 80 ou 90 ans, c’est mourir juste au moment où ça commence à devenir intéressant. Une chose est sûre, c’est qu’avec le grand âge on n’est pas plus intelligent qu’à vingt ans, loin de là,  mais n’en déplaise à Brassens et en règle générale, il est tout autant certain qu’on est beaucoup moins con … et si les avancées de la science peuvent me donner un petit coup de pouce pour en profiter, ce ne sera pas de refus ! Merci bien ! Comme quoi, j’ai beau dire et en médire, l’espoir fait vivre et est bien chevillé au corps… Soyons fous : restons-le !

Page du 15 mai 2018 jour d'espérance de vie
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