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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 9 janvier 2019 jour de buzz

Denis Vallier
Illustration d’Hugh Kretschmer.

Illustration d’Hugh Kretschmer.

      Que de drôles d’oiseaux ! On se met « En marche » en un seul clic tout comme on met son « Gilet jaune » d’un coup d’index sur sa souris… On se croirait au cirque. Quand le virtuel et les volatiles prennent le pas sur la réalité, que ne ferait-on pour sa minute de gloire en faisant le buzz sur les réseaux ! On passe dix secondes aux infos et on a réussi sa vie… Et rien de tel que la violence comme propulseur ! Elle est même devenue plus efficace que le sexe. Ici, on s’acharne sur un gamin au sol à grands coups de lattes, là un ex-boxeur pro tabasse un flic. Il est vrai que quand on est boxeur, il est bien plus facile d’attirer l’attention ainsi qu’en devenant champion du monde : il est manifestement plus agréable d’encaisser une cagnotte que des droites. Pourquoi s’en priver ? Vivons donc avec notre temps immoral, bruyant et malodorant… Point de salut, ni toute autre formule de politesse, pour les timides, les modestes, les « normaux » : la gloire se mesure à sa connerie et se rémunère en Euros. Ensuite tout devient facile pour les provocateurs : avec le succès en marchepied, il est si simple d’occuper la scène médiatique et de paraître original et brillant quand vous avez déjà conquis votre auditoire. Ces clowns blancs peuvent même se payer le luxe de faire involontairement de l'humour car l’intelligence est devenue accessoire, elle est même parfois un handicap.

      Il nous reste nos yeux pour pleurer et notre seul humour : tout humour de bon aloi commence par une vision lucide et ironique de soi-même. Une vision, c’est bien… mais pour voir quoi derrière ce verre cathédrale ? L’humour est un rétropédalage à l'envers, un accident de sens. Moi-même, de toute ma hauteur au sommet de ma gloire, je me surprends à le pratiquer, d'abord pour me faire rire moi-même, et ensuite pour rendre supportables les horreurs que je suis amené à raconter quand ma morale me chagrine. La seule morale que j'envisage ici est locale : c'est le respect de l'adversaire (la politique) et de l'adversité (la science). Avec le risque que l'homme puisse anéantir toute l'humanité sans jamais être immoral. De toute façon, la fin de l'homme n'est pas le pire qui puisse advenir… Mieux vaut en rire comme sait si bien le faire l’auguste, le clown burlesque.

      Le burlesque des Chaplin ou des Buster Keaton, c’était l’art de l’échec. Il reflétait un monde comique, chaotique, tourbillonnant où les hommes se battent entre eux et se débattent avec des machines hors de contrôle. C’est le miroir d’un univers jubilatoire où l’on rit des mésaventures de personnages ridicules, incongrus, décalés mais touchants. Mais à y regarder de plus près, c’est aussi une façon de voir la vie qui la rend plus supportable car, qui ne s’est jamais trouvé dans une situation ridicule ? Notre société en grosse difficulté aurait bien besoin de ces vieux talents et nous de leur souplesse.

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