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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 4 février 2019 jour indicernable

Denis Vallier

      Aussi remarquable que fut notre passé, on n’a pas le choix, il nous faut aller de l’avant. Une main gigantesque nous pousse dans le dos et en ce moment elle insiste lourdement. Que sommes-nous finalement, sinon quelques atomes en mouvement dans un vide infini. On ne sait pas où l’on va, ou on le sait trop bien : vers un mystère insondable ; c’est trop pour nous, cela nous pousse à nous raccrocher au premières branches venues. Des crispations identitaires et fondamentalistes à la spiritualité new-age en passant par les vertus du Capitalisme, le marché de la croyance se porte bien. À force d'apparaitre sous forme d'écran de fumée, d'ombre portée et de tableau abstrait, je me suis rendu compte que la plupart des gens avaient un énorme problème avec l'indécidable. Ils ne savent pas le gérer, il faut qu'ils tranchent, qu’ils projettent, qu’ils remplissent à tout prix le vide. Il faut que ce soit quelque chose, peu importe quoi. Dans le fatras infini du mystérieux comment discerner le vrai du faux ? Comment toucher du doigt l’impalpable ? C'est insupportable pour nombre d’entre nous de ne pas pouvoir poser une opinion, d'émettre un jugement, de faire le procès de quelque chose ou quelqu'un. Nous avons besoin de repères, d'un chemin, d’un cairn, d'une balise ou d'un berger dans le pire des cas, en tout cas d’un truc qui nous permet de nous dire « je ne suis pas tout seul, je ne suis pas perdu! ».

      Le problème est exactement le même lorsqu'on se trouve face à ce qui dépasse notre intelligence ; l'origine de l'univers par exemple. Il faut que ce soit quelque chose d'« audible » alors nous allons chercher le mot « origine » dans le dictionnaire, et, pourvu que nous n’allions pas chercher trop loin, nous nous contenterons d'une fluctuation quantique du vide, une sorte de musique céleste que personne n’a pu entendre et puis nous refermerons notre dico et nous nous rendormirons. L’indécidable, par exemple, c'est un truc que beaucoup de scientifiques répugnent ; qu'un électron soit libre, ça les déprime. Nous croyons mordicus que c’est par ce que l'homme s'est évertué à ne retenir que le rationnel qu'il a évolué. Sinon quoi? Et bien nous serions toujours à nous poser des questions qui n'ont pas de réponse et uniquement celles-là, n’est-ce pas ? La rationalisation a bien quelques inconvénients non négligeables, mais au moins elle a empêché cette focalisation sur le surnaturel et a permis des avancées concrètes qui, si elles ne sont pas forcément « vraies » dans l'absolu, ont au moins le mérite d'avoir servi l'humanité. Il faut lui reconnaître ses mérites. A l’inverse, l'irrationnel est la stagnation même car l'indémontrable ne peut de fait ni être validé, ni invalidé. Comme nous sommes loin d’être parfaits nous sommes obligés d’évoluer, la non plus, nous n’avons guère le choix, or, toute l'évolution repose sur cette dialectique. On ne peut pas dire tranquillement: « Puisque quelque chose ne peut être ni démontré ni validé alors je l'ignore ou je l'occulte et je reste assis ». Si vous le faites alors c'est votre position qui est irrationnelle, continuez d’engraisser les vendeurs de sornettes et de mirages, ils s’en frottent les mains ; mais si vous admettez ce diagnostic, vous comprendrez peut-être pourquoi nous allons droit dans le mur.

Moutons de Michael Sowa.

Moutons de Michael Sowa.

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