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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 29 août 2019 jour de patience et de largeur de temps.

Denis Vallier

      Il suffit de séjourner quelques heures dans un hôpital pour comprendre pourquoi on vous appelle un patient. "Veuillez patienter"… quelle détestable courtoisie administrative… "Souffrez d’attendre ! Attendez-vous à souffrir d’attendre car l’attente peut être longue"… Attendre… attendre… toujours attendre… patienter… encore et toujours, c’est pénible à force, cela devient une torture (- parfois jouissive dans certains ébats, je vous l’accorde)… je veux bien attendre un instant, mais je ne veux plus patienter, je l’ai déjà trop fait : à partir d’un certain âge cela devient aussi ridicule que d’économiser. Nous sommes très inégaux dans la même attente : on endure la patience et notre endurance est fonction de notre capacité à supporter et à accepter la souffrance. Même si nos montres sont synchronisées, le temps est propre à chacun.

Photo de Kai Ziehel

Photo de Kai Ziehel

      S’il existait un purgatoire, il ressemblerait à un quai de gare. Il est vrai que nous sommes entraînés : les rails vides de trains, notre bon gros bouchon biquotidien sur le périph, les files d’attente au ciné, les salles des pains perdus aux urgences des hôpitaux, les arrêts de bus sous la bruine et dans le froid ça vous châtre les plus excédées des fortes têtes, ça vous mâte les plus impatients caractères mais c’est pour ça qu’ils mordent. L’attente est l’étoffe même de notre existence, même au cœur de l’action et de nos affections. "J’ai vécu de vous attendre"… confiait Paul Valéry à sa muse (- il a tant si bien dit, mais si sa muse l’avait touché, il aurait rajouté "et le bruit de vos pas n’étaient que les battements de mon cœur"…). Comme on se le dit depuis toujours dans les chaumières, la vie est effectivement une école de patience pour chacun d’entre nous, riche ou pauvre, esclave ou puissant. Tout s’oxyde, se patine, vieillit et l’effet est cruel ; ce qui est neuf et propre à ce jour ne le sera déjà plus demain mais notre regard s’use plus vite encore. Quand on a semé des graines, il faut bien les laisser germer mais c’est lassant à la longue de les regarder murir. Que faire en attendant ? On ne va pas manger des cailloux ! J’estime avoir droit à une saine impatience tant que j’évite la précipitation... Si personne n’est jamais mort d’impatience la précipitation vous fait tomber de haut.

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