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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 10 novembre 2019 jour des souvenirs.

Denis Vallier

Les souvenirs sont fabuleux ! Ils créent un monde dans le monde bien taillé à notre mesure et l’on peut s’y promener à sa guise. Ils vivent leur vie et évoluent avec le temps jusqu’à se figer comme de vieilles photos colorisées bien plus précieuses que nos propriétés ou nos comptes en banque. Le paradoxe c’est que si l’on sait parfaitement que l’on ne peut guère s’y fier, ce sont pourtant les seules vérités auxquelles on puisse encore s’accrocher. Et la vérité reste la seule chose qui puisse nous faire tenir debout dans la tempête d’absurdité qui s’abat sur nous depuis que le monde est immonde… Le monde a toujours été violent et absurde, les loups ont toujours été des loups pour l’homme, mais l’on pouvait espérer que le progrès nous permettrait de mieux juguler cette sauvagerie. Fatale erreur, elle est juste devenue bien plus sophistiquée : nous avons simplement remplacé les épieux par des drones.

      On aura beau prendre toutes les précautions que l’on veut pour protéger nos bambins, ils seront confrontés très tôt à cette violence. Toute conversation entendue, toute dispute, tout énervement laissent des traces chez les tout-petits. J’en veux pour preuve mes souvenirs marquants les plus anciens. Ils remontent à mes trois ans quand mes parents m’ont amené au mariage de Tatie Dédée à Marseille (- un mélange piquant des charmes de Gina Lollobrigida et de Claudia Cardinale au temps de leur splendeur). Je revois encore quelques détails, un chemin de graviers blancs dans la nuit, Marie-Françoise, ma petite cavalière, ma première émotion amoureuse ! La mémoire (- en tout cas la mienne) n’est pas fiable, elle me joue des tours puisque j’associe mordicus à cet épisode un autre souvenir que l’Histoire situe deux ans plus tard, celui de ma première séance de cinéma sur la Canebière où l’on passait le "Couronnement de la Reine Elizabeth". Tous ces soldats qui paradaient en armes sur l’écran m’ont impressionné, ils m’ont paru si réels que j’ai eu vraiment peur qu’ils en sortent et je me suis échappé dans l’obscurité de la salle en criant "Quand est-ce qu’il va y avoir la guerre ? Quand est-ce qu’il va y avoir la guerre ?". Je me souviens encore du rire général mais il n’était pas réconfortant pour autant. Manifestement, je savais donc que la guerre était chose effrayante même si je ne l’avais pas connue et je ne pouvais le savoir que par les propos tenus dans ma famille… même si on ne s’en souvient pas, la mémoire s’imprègne donc très précocement des inquiétudes de l’entourage. On aura beau essayer de contrôler ses gestes et ses paroles, on ne pourra jamais cacher ses angoisses et ses craintes à un enfant, on les lui laissera en héritage. Mais précieux, le souvenir en demeurera.

Elizabeth II d'Angleterre le jour de son couronnement - 1953

Elizabeth II d'Angleterre le jour de son couronnement - 1953

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