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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 10 décembre 2019 jour d'excès.

Denis Vallier

      En règle générale, nous sommes dotés, vous et moi,  d’un cerveau performant dont la nature nous a fait cadeau. Nous voici ainsi encombrés d’une fonction surnuméraire par rapport à nos besoins usuels, un superflu qui nous paraît très simple et très proche, si simple et tellement proche qu’il en devient imperceptible, insoupçonnable. J’avoue que les difficultés éprouvées devant certains problèmes comme le calcul des futures retraites me laisseraient plutôt à penser que j’en suis totalement dépourvu. Mais non, de ce côté-là, je dois être à peu près comme tout le monde. On nous le présente pourtant comme la merveille des merveilles de l’univers, mais ce cerveau si prodigieux, en quoi serait-il si exceptionnel ?

      L’évolution se faisant par petites touches, par petits bonds, je ne vois pas à quel moment la nature du cerveau des hominidés a pu basculer dans cet excès qui nous a amenés à la joyeuse situation que nous connaissons ; il me surprend autant que le sourire du flamand rose ou le cycle de reproduction de la douve. On peut se demander ce que cherche la nature quand elle se complique la vie à ce point… Une chose semble certaine : quand un potentiel de quoi que ce soit existe même s’il est invraisemblable, la nature finit toujours par tomber dessus.  En plus elle a parfois le sens de l’humour, voyez l’ornithorynque ou Ribéry… Il faut dire qu’elle n’a que ça à faire pendant des milliards d’années...  L'œil par exemple, il exista bien avant la Bible ou les travaux de Descartes, Newton ou Fresnel. Le muscle, lui, exista bien avant Zénobe Gramme, le vol des oiseaux bien avant Navier & Stokes. Les pigeons voyageurs ou les oiseaux migrateurs n’ont pas besoin de GPS. Les lucioles et les vers luisants bénéficient de l'électroluminescence depuis des centaines de millénaires avant nos LED. De même, réfléchir, penser, cela nous semble prodigieux  et noble alors que ce doit être très ancien et  partagé par nombre d’espèces ; ce n’est qu’une activité parmi d’autres de notre cerveau. Nos performances intellectuelles n’ont rien d’exceptionnelles, elles sont simplement plus poussées dans certains domaines que celles d’autres espèces qui souvent nous dépassent dans d’autres.  Elles ne manient pas les logarithmes ou les intégrales mais elles ont des tas d’avantages sur nous. D’ailleurs, pourquoi penser serait-il plus noble que faire ? Est-ce que l’aiguille, le jouc pour les bœufs, les charrues métalliques,  les moulins hydrauliques, les machines à tisser, les machines à vapeur, sont les fruits de spéculations philosophiques ou bien ces inventions ont-elles été rendues progressivement possibles par le développement du génie appliqué?

      Je passe mon temps dans ce cahier à réfléchir sur les tenants et aboutissants de ce monde… à quoi ça me sert de me faire des nœuds au cerveau sinon à occuper cet excès de capacités congénital ? Il me faut impérativement me distraire en lui apportant du grain à moudre… Pourtant, comme jouer au casino, réfléchir pour rien est une des activités les plus répréhensibles socialement : il n’y a pas de facture, c’est une sorte de travail au noir. L’action est le seul véritable remède à nos troubles existentiels ordinaires : quand on en est à se demander comme moi ce qu’on fait là, il suffit de faire quelque chose (- même n’importe quoi) et tout ira déjà bien mieux... Bougeons, retournons au boulot, rendons-nous utiles, aidons les autres, faisons du sport, sauvons la planète, peu importe, mais agissons. On fera ainsi  l’économie d’un psy car notre cerveau a été prévu pour agir, pas pour penser.

Selfie d’un singe de Bali au crédit de Sasha Julliard.

Selfie d’un singe de Bali au crédit de Sasha Julliard.

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