Page du 7 décembre 2019 jour de Ribéry.

      Ne sommes-nous pas hautains à hiérarchiser l’intelligence ? De quel point de vue supérieur nous situons-nous ? De toute façon, ce n’est guère charitable. Il est vrai que le chimpanzé et le sportif de haut niveau n’expriment pas forcément une intelligence supérieure telle qu’on l’entend usuellement, c’est le moins que l’on puisse dire pour certaines vedettes qui squattent nos écrans. Comme l’auraient fait affectueusement Coluche ou Desproges, on a toujours le droit de rigoler de la caricature d’un Ribéry, par contre, vous auriez tort de vous moquer de la personne : ne lui demandez pas bien sûr d’extraire une racine cubique (- il vous ramènerait une betterave) ou bien d’évoquer le "jugement réfléchissant" de Kant. Par contre, il saura en faire bon usage et sans aucun doute mieux que vous. Son intelligence du jeu c’est-à-dire le jeu de l’intelligence qu’il utilise et que l’on pourrait assimiler à une sorte de ruse, le place indéniablement dans les êtres hors du commun au même titre qu’un Kasparov aux échecs. Bon, je l’admets, je pousse là le bouchon un peu loin,  j’exagère mais pas tant que ça. Si notre société devait s’effondrer  et que la ruine devienne générale, tout laisse à penser que ce soi-disant bas du casque conserverait une espérance de vie supérieure à celle de nombre d’intellectuels.

      L’intelligence en mouvement nous laisse indéniablement entrevoir que la pensée n’est pas que cérébrale, qu’elle est aussi dans le corps, qu’elle rejoint l’intuition chère à Kant ou à Bergson, que nous sommes un tout et que les purs esprits ne toucheraient pas terre sur un terrain de sport ou en mode survie en pleine nature. Le "jugement réfléchissant" qu’utilise Ribéry "à l’insu de son plein gré" et que l’on retrouve en permanence dans ce genre de situation, est une décision immédiate qui n’est pas déductible, qui jaillit spontanément et qui fait sens par elle-même. Elle produit sa propre loi et rien d’extérieur ne saurait lui apporter quoi que ce soit sinon un entraînement soutenu qui lui facilite la tâche par l’acquisition d’automatismes. À ce jugement réfléchissant correspond un génie qui lui est propre lui permettant d’interpréter son environnement pour en restituer spontanément la meilleure version et manifestement, ce n’est pas donné à tout le monde. Seuls les meilleurs dans leur spécialité, les plus brillants en sont dotés. Les tests de vitesse de mémorisation immédiate le prouvent, les chimpanzés nous sont largement supérieurs quand il s’agit d’évaluer rapidement son environnement, allez donc les suivre de branche en branche !… Je suis sûr qu’il en serait de même pour les pies ou de nombreuses autres bestioles ou sportifs, alors pouêt-pouêt !