Page du 20 mars 2020 jour des rois des cons...

      On a eu de tout comme rois de France, statistiquement c’est assez normal puisque cette fonction de chef mafieux vous tombe dessus sans votre avis. On a eu des fainéants, des brefs, des grands, des gros, des pieux, des débonnaires, des simples, des batailleurs, des chauves, des bègues, des prudents, des saints, des justes, des soleils, mais on ne disait jamais qu’ils étaient cons. Et pourtant, le roi des cons est particulièrement populaire. Celui-ci s’est attaché à mille ballons de baudruche et son corps n’a été retrouvé que trois mois plus tard, cet autre voulait prouver on ne sait trop comment que la Terre était plate en grimpant dans une fusée artisanale et s’est écrasé de quelques centaines de mètre de hauteur, tel autre "surfe" sur un train et bien sûr perd la tête au premier tunnel… les exemples de ce genre sont légions puisque 6200 coureurs se sont rassemblés la semaine dernière pour participer au semi-marathon de Bath en Angleterre en pleine épidémie de coronavirus ! Vive le Brexit !

      A quoi peut bien servir notre intelligence si c’est pour en faire un usage aussi stupide ? Pour tenter de comprendre, on s’acharne à vouloir la définir alors qu’elle est d’une extrême variété de formes : celles d’une araignée tissant sa toile ou celle du gibbon sautant de branche en branche n’ont rien à voir avec la nôtre. La nôtre, comme celle de tous ces zozos candidats au Prix Darwin, nous a permis d’en arriver là où nous sommes, c’est à peu près tout ce qu’on peut en dire de manière certaine. "Il est difficile de définir l'intelligence en une phrase, même en en oubliant les trois quarts" regrettait  Boris Vian. “Bien trop de gens pensent toucher à l’excellence au prétexte qu’ils ont atteint leurs propres limites”, ironisait méchamment le romancier américain Jean Toomer… cela nous laisse entendre qu’être intelligent c'est précisément être conscient de ses limites, c’est les voir clairement et toujours s'efforcer de les respecter mais aussi de les repousser. C’est en fin de compte, risquer en toute conscience de nous mesurer à ce que l’on sait impossible… parfois, ça marche et vous serez alors considéré comme un génie.

      L’intelligence semble donc liée à une bonne vision,  mais s’attaquer à notre connerie est une tout autre affaire, on change de catégorie : on se heurte au mur de l’absurde qui abrite précisément ce que nous ne pourrons jamais comprendre. Les heurts entre connerie et intelligence résument toute l’histoire de notre espèce. Les difficultés à définir la connerie proviennent du conflit, dans la pensée de chacun, entre les concepts même de connerie et d'intelligence que l’on se construit et l'expérience vécue de ces concepts. Si nous acceptons d’emblée de prendre part  à l’expérience de l'intelligence nous rechignons pour celle de la connerie. Sur ce dernier point, nous y mêlons plus volontiers les autres. Yvan Audouard, un spécialiste en la matière, savait que "définir la connerie n'est qu'une connerie de plus". Eh bien j’essaye malgré tout… Être con c'est le contraire de l’intelligence, c’est être inconscient de ses limites puisque par définition, le con ignore qu’il est con. Il les dépasse toujours et c’est ainsi qu’il se révèle. S’il veut des frontières pour son pays, il n’en veut pas pour lui. Pourquoi les repousserait-il puisqu’il n’en a pas ? Faut pas pousser ! Faudrait être encore plus con qu’il n’est ! En règle générale, nous n’intéressons pas la nature (- et nous lui rendons bien), elle ne se rappelle à notre bon souvenir de temps à autres que par le biais de catastrophes ou d’épidémies, mais elle sait se montrer cruelle avec le con en lui laissant quelques lueurs d’intelligence occasionnelles, quelques raisons d’espérer l’être un peu moins. Ce qui fait que quoi qu’il entreprenne, il finit toujours par compenser par la connerie ce qui lui manque d'intelligence. Il faut lui accorder qu’il ne déçoit jamais : il est toujours plus con qu'on ne saurait l’imaginer.

C'est à mourir de rire...