Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 24 septembre, jour différent...

Denis Vallier
(St Francis and the Birds par Sir Stanley Spencer 1935)

(St Francis and the Birds par Sir Stanley Spencer 1935)

Depuis qu’elles sont descendues des arbres, les meutes savent d’instinct que la raison du plus fort est toujours la meilleure et que l’union fait réellement la force. Alors, pour dominer ou simplement survivre nous avons fait bloc et gommer nos différences en revêtant des uniformes. Marquer son appartenance est nécessaire dans les armées, les religions, les gangs de rue, les sociétés secrètes comme à la chorale du quartier. L’uniformité peut être matérialisée mais elle est avant tout verbale et mentale. Tous différents, mais pourtant si semblables sous le regard des autres… La loi de la jungle sera-t-elle éternellement de mise ? Nous sommes devenus si nombreux dans nos villes surchargées… ne vaudrait-il pas mieux œuvrer pour un monde où nos complémentarités fructifieraient ? Elles sont si prolixes nos différences… Moi aussi, je vais aller manifester, je viens de terminer ma pancarte : "Tous différents ET tous égaux !"… Comment ?... ça, j’en sais rien, c’est pas mon problème… Débrouillez-vous !... Héhé ! Nous sommes vraiment amusants nous-autres et effectivement si différents : certains le sont grâce à leurs talents, d’autres à cause de leur imbécillité, d’autres encore par leur seule volonté…  Merveilleuse illusion ou triste réalité…alors que vivre et mourir, c’est du pareil au même : un éblouissant éclat de rire dans la gueule du néant sous le regard des autres…

Ah, le regard des autres !… Question éblouissement, Beethoven (1770 - 1827) a fait jaillir la lumière, instrument après instrument, du plus profond du silence et du désespoir… Quand, en 1805, il donna la première de sa Symphonie n°3 “Eroïca”, le public viennois l’accueillit fraîchement, lui reprochant ses rythmes excentriques et sa longueur épuisante. Un critique la jugea "surchargée, incompréhensible et bruyante" ; un autre condamnait "son originalité de mauvais aloi", concluant doctement : "Le génie ne se révèle pas dans l’audace et le fantastique, mais dans le beau et le sublime."… et toc !... Possible… mais le chef-d’œuvre a depuis lors été réhabilitée et passe aujourd’hui pour un monument de la musique. Malgré tout, cela fait une belle jambe aux restes de Beethoven : il n’était pas sourd aux critiques et en a beaucoup souffert…

À l’inverse, le peintre britannique Sir Stanley Spencer (1891 – 1959) était plutôt cool et ne se revendiquait d’aucun courant artistique. Ses premières œuvres, mêlant des thèmes érotiques et religieux, étaient un bizarre mélange avant-gardiste de postimpressionnisme et d’art toscan du Quattrocento… Pour être un original, c’était un original qui ne songeait qu’à exprimer sa singularité, à cultiver sa différence à l’écart des sentiers battus et à explorer des associations anachroniques pour créer de fertiles synergies sans s’occuper de l’effet qu’il produisait. Sir Spencer avait aussi cette curieuse manie de garder son pyjama sous ses vêtements mais n’en avait strictement rien à cirer si vous vous en aperceviez... Ce genre d’excentricité ne nous apporte rien de particulier, mais tout comme lui, chacun de nous gagnerait malgré tout à s’affranchir des jugements que les autres peuvent exprimer... Personne n’est plus à l’aise que vous (- ni à votre place) dans votre pyjama. À comparer ces deux spécimens, ce qui importe avantageusement n’est pas de revendiquer une égalité fantasmatique, c’est de bien vivre sa vie pour pouvoir la quitter sans regret en mourant à la Socrate.

(Peinture : Sir Stanley Spencer - Self-Portrait Adelaide Road 1939)

(Peinture : Sir Stanley Spencer - Self-Portrait Adelaide Road 1939)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commentaires