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Cahier décharge Je ne sais pas ce que c'est, je le saurai quand j'aurai terminé. Et j'aurai terminé quand je saurai ce que c'est.

Page du 9 novembre 2021 jour sanglant...

Denis Vallier

Pendant des siècles, "le Vieux de la montagne" s’est tu et puis, depuis quelques décennies, il s’est réveillé pour envoyer aux quatre vents du monde ses assassins, fous de Dieu et de haschich. Allah est bien trop grand pour leur petite tête, il leur a explosé la cervelle. Au sacrilège ! Au Blasphème !... Et au nom de Dieu, les fatwas et les couteaux volent, le sang gicle, les têtes roulent, et pourtant, quel que soit le point de vue, le blasphème n’existe pas… C’est une vue de l’esprit, la manifestation d’une opinion, une invention digne de l’Inquisition. Que savons-nous au juste de ce blasphème vaporeux sinon que son fantôme persiste malgré tout, aujourd’hui comme hier, à hanter les consciences ? Sinon que celui qui croit au ciel, comme celui qui n’y croit pas, ne veulent ni l’entendre être proféré, ni en entendre parler (- quoi que pour des raisons opposées).   

 "Blasphémia" en grec renvoie à l’univers magique du culte, du rite, du sacrifice et à ce qu’il est interdit soit d’y dire, soit d’en dire. Littéralement, blasphémer revient à émettre inconsidérément une invocation interdite, à prononcer inopinément une prière inconnue, à énoncer illégitimement une prophétie de mauvaise augure… La belle affaire ! Au prix où on vend de nos jours les lendemains qui chantent et les vérités alternatives, ça ne vaut pas tripette… Le concept n’a guère muté depuis le triste sort du Chevalier de la Barre qui a payé de sa tête de ne pas avoir ôté son chapeau en chantant des paillardes au passage d’une procession… il méritait bien d’être torturé et brûlé ensuite, mais avec le temps et la sécularisation, le blasphème est d’avantage devenu un litige entre personnes : l’affaire du croyant qui se sent blessé plutôt qu’une offense directement faite à Dieu qui jamais ne s’en plaint.

Dans une France laïque où toutes les religions sont autorisées, où les pratiques et les rites sont respectés, le blasphème agresse non plus la vérité du divin qu’on aurait égratigné mais l’opinion du croyant qu’il conviendrait de respecter même si elle est délirante. L’appartenance religieuse est ainsi extraite de la sphère privée pour devenir une opinion parmi d’autres, un rapport personnel à la vérité dans la croyance. Le blasphème voudrait rejoindre l’insulte raciale ou le drapeau que l’on brûle dans la liste des interdits. Cela pourrait inscrire le blasphème dans une perspective qui, n’étant plus ni divine ni sacrée, relèverait du racisme et des offenses ordinaires passibles des tribunaux ordinaires. C’est la faiblesse de la loi Pleven en France depuis 1972 au bénéfice de l’ordre public mais aux dépends de notre liberté d’expression. Le blasphème est plus que jamais un enjeu politique.

Pourtant, les temps ont changés : les provocations d’un blasphémateur de notre siècle sont bien plus spectaculaires et engagées politiquement que les insolences de gamin d’un Chevalier de La Barre mais les conséquences sont, en général, nettement moins préjudiciables de par chez nous où on a le droit de dire ce qu’on veut tant que l’on n’insulte pas directement une personne. C’est le résultat de la séparation de l’Église et de l’État, du combat pour la laïcité depuis 1905. Et pourtant, on continue d’en mourir à cause de quelques revanchards barbus assouvissant des visées impérialistes… Au nom de la liberté d’expression, je revendique haut et fort que le droit au blasphème soit inscrit dans la Constitution !

(Dessin de Coco)

(Dessin de Coco)

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